(suite…)Un moment poétique léger, libre et utopique imprégné de pragmatisme, d’envie de faire et de vivre au présent.
Étiquette : cinéma
superbe court-métrage pédé: Marco (UK-2019)
Il y a un an peut-être, j’étais tombé sur le film de Robin Campillo, Eastern Boys, réalisé en 2013 et racontant l’histoire d’un homme d’une cinquantaine d’années donnant rendez-vous à un jeune prostitué croisé à la Gare du Nord.
L’histoire m’avait mis très mal à l’aise, quelque chose de l’ordre du cliché, comme si le réalisateur n’était pas parvenu à se débarrasser du fantasme de tomber amoureux d’un tapin, ou comme s’il voulait liquider une mauvaise conscience face aux clandestins (le jeune homme vient d’un pays de l’est et n’a pas de papier), ou peut-être encore une certaine fascination pour les corps de jeunes garçons violents, ou peut-être un peu des trois. L’histoire m’a laissé un goût d’invraisemblances pliants sous le poids de bons sentiments et couronnée par une fin que je préfère vous taire si vous ne l’avez pas vu. Je n’avais pas aimé, au point de ne pas vous en avoir parlé malgré qu’après l’avoir vu ça m’avait démangé. Et puis j’avais renoncé, je n’arrivais pas à formuler le malaise.Aujourd’hui, j’ai travaillé de chez moi, et quand je n’avais pas de cours, j’ai regardé des vidéos sur YouTube, principalement des court-métrages avec des histoires de jeunes pédés. L’un d’entre eux m’a particulièrement plu, je vous en parlerai plus tard, un autre m’a fait rire tellement c’était mal joué, tellement l’histoire était enflée, mais comme je ne suis pas sûr d’être capable moi-même de faire le dixième de ce court-métrage, je ne vous en parlerai pas. Qui sait, le réalisateur s’améliorera, apprendra à maitriser son scénario et sa bande son et réalisera un petit chef d’oeuvre comme l’est PD, dont je vous ai déjà parlé.
Ce soir, après avoir diné et regardé un morceau du Médiapart consacré à l’affaire Pégasus, j’ai repris mon exploration.
Et je suis tombé sur ce court, Marco. Le synopsis est un peu le même que pour Eastern Boys, mais là où il faut deux (lourdes) heures à Campillo, une petit vingtaine de minutes suffisent à raconter une histoire concentrée qui en raconte beaucoup d’autres, et qui du début à la fin ne cède en rien à la facilité. Le film terminé, j’ai enfin compris ce que je n’avais pas aimé chez Campillo. Un côté moralisateur et à travers le personnage de cet homme mûr une envie d’avoir le beau rôle.Eastern Boys ne parvient à être ni un conte, ni un film brutal comme La loi du désir d’Almodovar quand l’amant rejeté se suicide, certainement un de mes suicides préférés au cinéma tant chaque fois que je l’ai vu je meurs d’envie de l’attraper et de lui dire de ne pas le faire, que je l’aime… Qu’est-ce que Banderas était beau dans ce film, alors…
Quand Marco se termine, on ressent ce vide que l’ont ressent quand on s’est épris des personnages, et pourtant l’histoire est courte. Aucune morale, juste deux tranches de vie et une rencontre, et puis le monde dans lequel nous sommes. Je ne veux pas dire plus car on évente trop facilement un court métrage.
Le jeu des acteurs, le lieu, tout ici est parfait, « naturel » (voilà que je sonne comme Diderot), le rythme, le temps qui passe, le flux des dialogues et jusqu’au final, absolument parfait.Allez, je vous souhaite autant de plaisir que j’en ai éprouvé au point de sauter sur mon clavier pour vous livrer cet instantané.
Marco, 2019 (UK)
Nominé pour le prix du meilleur court britannique au Iris Prize 2019
Avec Zed Josef et Marwan Kaabour
Auteur, réalisateur: Saleem Haddad
Producteur: Jack Casey
Directeur de la photographie: Deepa Keshvala
Producteur exécutif: Mohamed Al SadekPD (court métrage)
Je suis tombé sur ce court-métrage par hazard, sorte d’écho cinématographique d’un billet de blog que j’ai écrit il y a presque deux ans. Un thème récurrent dans ce blog car il s’agit également de ma propre vie, de ma propre expérience. Je n’ai jamais été victime d’homophobie pour la simple raison, je pense, que j’ai immédiatement pensé comme le dit l’un des personnage de ce film, que ce n’était pas à moi de changer, mais aux autres.
Et pourtant, je l’avais entendu, ce « PD », une insulte dont la plupart de celles et ceux qui l’utilisent ne comprennent même pas le sens, sorte de truc venu du fond des âges. Pour moi, ça a été vers l’âge de 14 ans que j’ai compris, j’entends par là que j’ai ouvert les yeux sur moi, et sitôt cette révélation de cette nature que j’avais toujours ressentie, à tâtons et sans comprendre, le résultat a été très simple. Tout le monde l’a su et je ne l’ai pas caché. Au collège d’abord, au lycée ensuite, pour mes copains du cours d’arabe, tout le monde a été au courant, et cela ne venait pas d’une rumeur ni d’une insulte mais de mon propre comportement.
Je l’ai dit.
Le fait que cela choque était le dernier de mes soucis, et ce faisant, j’ai entamé un lent processus de guérison intérieure car l’enfant que j’avais été avait été un enfant très perturbé, dépressif, colérique en dedans et fortement déstructuré. L’acceptation de mon homosexualité a été le premier choix majeur, car si on ne choisit pas d’être homosexuel, on a le choix de l’accepter, et le plus tôt, et le plus radicalement est le mieux, si bien entendu l’environnement le permet, et c’est précisément ce choix assumé qui permet à d’autres d’avoir accès à ce choix.
Je suis homosexuel, et de façon très radicale, c’est à dire d’une façon terriblement banale, en tout cas à mon niveau: c’est dit, et puis c’est fini, hop, on n’en entendra plus parler, si ce n’est dans ma façon très banale également de parler d’histoires de mecs sans trop me soucier de mon auditoire. Je ne suis pas out, je suis plus que out, c’est à dire que je me fiche complètement de mon homosexualité, il y a juste qu’il ne faut pas qu’on me marche sur les pieds.
Ce processus a été lent à certains égards car je viens d’un âge où c’était encore quasiment interdit par la loi, c’était une atteinte aux bonnes moeurs et le ministère de l’intérieur contrôlait un fichier des « invertis », notre sexualité s’apparentant de par la loi à une maladie aussi dangereuse que la tuberculose et le cancer… On revient de loin, et ce n’est pourtant pas si ancien. Imaginez, ces fameuses années 70 enchantées aux dires des boomers, eh bien c’en était la loi. Pour les boomers, l’homosexualité était cool. Je t’en ficherais, moi, du cool. Bon, heureusement, c’est également à cette époque que les premières organisations de libération ont émergé, et enfin un premier discours radical, en rupture et avec l’ordre dominant, et avec le cool de l’époque.
On en a fait, du chemin. Aujourd’hui, on servirait presqu’à vendre de la lessive, un candidat aux élections ou des guerres impérialistes. On a été incorporés à la démocratie libérale de marché, on nous aime, on se réclame de nous. Je t’en ficherais, moi, de l’amour. Je n’ai strictement rien à faire d’être aimé par des gens que je ne connais pas, je demande juste de droit de ne pas me faire casser la gueule ou dégager de chez moi à 15 ans. Et c’est assez intéressant de voir que la petite musique sur « le séparatisme », si on la laisse se répandre, elle finira immanquablement par se retourner contre nous. Nos bars non mixtes, notre presse, nos espaces non mixtes. Tiens, ça vous rappelle pas quelque chose, ce « non mixte »? Ben voilà.
Très joli court métrage, tendre, à l’image de son époque. Bon, j’avouerai que le professeur d’histoire, c’est le moment Balasko, là où on a un peu l’impression d’avoir à avaler un baba au rhum enrobé d’un discours d’Emmanuel Macron, genre il faut apprendre à s’aimer, gna-gna, le moment boomer, quoi. 5 minutes d’une fadeur affligeante, le moment tolérance assorti d’un discours historiquement très discutable, disons, approximatif. Mais bon, très vite le court-métrage abandonne cet échouage digne d’un salon philosophique du PS, reprend son rythme et le fil d’une histoire à la fois difficile et délicate, incroyablement tendre et dont la trame pourrait être qu’il n’y a pas un chemin qui conduit à l’acceptation de sa nature profonde.
Allez, je vous laisse le regarder.