Le pétrole ne vaut plus rien: 21 avril

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Désolé de vous déranger avec un sujet pas à la mode, genre « demain nous inventerons un nouveau monde » ou « Macron il est méchant ».
Le prix du pétrole a plongé sous zéro, en territoire négatif pour la première fois de l’histoire. Désormais, le vendeur doit payer pour vendre car il y a beaucoup trop de pétrole et plus de place pour le stocker. Désormais, on ne parle plus de récession mais de dépression économique car cet effondrement inédit annonce des chutes de prix équivalentes sur de nombreuses autres matières premières, et allant avec les faillites en chaîne des activités liées.
Autre mauvaise nouvelle, c’est que les capacités de stockage sont dépassées et qu’il ne faut pas qu’il y ait de typhon/tempête en mer où des dizaines de milliers de tankers en route pour nulle part risqueraient de déclencher une catastrophe majeure.
Et puis encore, côté mauvaise nouvelle, ce sont les états producteurs qui désormais n’ont plus de revenus du tout et dont la dette ou les capacités d’endettement sont désormais totalement nulles. Parallèlement, tous les contrats liés au dollar sont désormais des contrats pourris. Bon, il y en a qui vont se faire un plaisir de les racheter pour des cacahuètes mais pour les détenteurs, c’est la faillite.
Cette spirale chute des prix (sous zéro)/ faillite va fragiliser les banques et les états et risque de conduire à une vraie explosion du chômage. Bref, pour ceux qui font des boulots d’intello mais qui se plaignaient de l’explosion du temps de travail à 60 heures, rassurez-vous , les travailleurs qui ont un vrai travail de production iront à Pôle Emploi bien avant de dépasser les 35 heures.
Les bourses vont certainement amorcer un nouveau round de baisse. Il va falloir observer le prix du dollar dont la valeur est collée au prix du pétrole. Une chute du prix du dollar accélèrerait les pressions déflationnistes et surtout à des ventes de bons du trésor américain qui désormais se dévaloriseraient de fait, entraînant à terme des crises de liquidités mondiales et donc accéléreraient la spirale déflationniste.
Le risque de guerre mondiale, nucléaire, bactériologique, ultra-sonique, spatiale, avec des drones, des coupures du net et des hackers est certainement à son plus haut niveau depuis les années 30 car les USA veulent faire payer la Chine (ils ont oublié parce que personne ne leur a dit que 2007/08, c’était eux, mais bon…)
La bonne nouvelle, c’est que les riches et activistes qui ont le cœur écolo peuvent désormais acheter pour une bouchée de pain les terres destinées à la production de gaz ou pétrole non conventionnels et empêcher dans le futur qu’on recommence les forages.
En fait, j’ai toujours pensé que la politique d’un pays s’incarnait assez bien dans un jeu de ce pays. Trump est un joueur de poker comme quasiment tous les présidents américains, doublé d’un joueur de catch, un jeu de combat truqué mimé. Poutine est un joueur d’échec (et un ancien du KGB, ça renforce).
Poutine a forcé à une guerre du pétrole avec l’Arabie Saoudite, MBS pensait être prêt à la faire mais en réalité c’était Poutine qui était le plus prêt, il avait déjà adapté son économie à un pétrole à prix réduit depuis la crise monétaire il y a 5 ou 6 ans. Le problème, c’est que MBS avait oublié l’allié American.
L’allié American, lui, il aimait bien Poutine. Trump à quelque chose pour Poutine qui est irrationnel quand on il pense, un truc qui tient à la connerie crasse des néoconservateurs. Ils aiment le conservatisme de Poutine, alors que Poutine se fiche d’eux, lui, il aime la Russie.
Alors, après avoir essayé de trouver un accord de production (il y a une semaine), badaboum, le monde à l’arrêt n’a pas besoin de pétrole et les futurs s’effondrent (inaugurant une baisse durable du prix du pétrole autours de 10 dollars jusque là fin de l’année au minimum). Et que fait Trump, en bon joueur de poker, il décide de taxer le pétrole saoudien.
Bon, alors que va-t-il se passer maintenant? L’alliance tacite entre les US et l’Arabie va encore un peu plus se déliter, MBS va être encore plus isolé. Qui gagne?
Poutine est un des rares génies de notre époque. Il est détestable politiquement à bien des égards mais il est un des rares qui sait exactement ce qu’il fait, à savoir redonner des marges de manœuvres à la Russie en jouant les divisions d’un monde libre prospère qui en réalité n’était ni si libre ni si prospère et bien moins unifié qu’il se pensait.
D’ici à ce qu’une révolution de palais en Saoudie amène une branche princière favorable à un rapprochement avec l’Iran pour tenter de retrouver une certaine influence sur la région, rapprochement qui ne déplairait pas tant que ça aux UAE dont les perspectives se sont considérablement assombries, et alors les US perdraient tout le Proche-Orient. Intéressant de voir que Poutine, qui envisageait de se retirer de la présidence, a décidé de rester encore un peu.
Côté Chine, c’est le même scénario. Les Occidentaux ne connaissent pas la Chine, sa culture, qui est une culture de la patience et non de la confrontation. La Chine absorbe les chocs. La tentation occidentale est maintenant de mettre un frein à la puissance chinoise, en oubliant que la Chine n’a plus besoin de l’Occident. C’est l’occident qui a besoin de l’épargne chinoise, de ses usines, et que la relocalisation, si elle est souhaitable écologiquement et économiquement, si elle est entreprise uniquement que comme rétorsion, est un gag. En fait, nos multinationales se relocaliseront non pas en France, mais en Roumanie, en Grèce ou au Sénégal et au Vietnam! Et la Chine, elle, continuera son chemin. Elle a les chercheurs, les capitaux. Et Poutine sera bien moins regardant avec la Chine car il a besoin de sa technologie. Et l’Arabie Saoudite sera heureuse d’y écouler son pétrole.
Ce qui est très intéressant, c’est que nous sommes en train d’assister au scénario cauchemardesque de la CIA…
Dans le livre The Next Hundred Years, publié en 2009, Georges Friedman expliquait exactement ce scénario. Un bouquin publié il y a plus de 10 ans et passionnant à lire. Obama, avec sa diplomatie « prudente » a tenté d’éviter les danger. Clinton, elle, était beaucoup plus conservatrice et va-t-en guerre. Trump, lui, est tombé en plein dedans. Il croit être à la tête d’un pays fort!

L’article Bloomberg

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