Je vous présente Luc, un ami d’il y a longtemps, un Camarade, comme on disait en ce temps là, un temps qui n’est finalement pas si éloigné… mais qu’est ce que ça me semble ancien tout de même…
La politique a longtemps occupé une place majeure dans ma vie, dans ma pensée. Elle s’est alimentée de ces lectures passionnées que l’on a quand on a 17, 18 ans, quand on croit encore choisir sa liberté dans sa passion pour la vie, l’énergie de la jeunesse.
Moi, tout jeune, j’étais un « jeune homme moderne », j’écoutais ces musiques synthétiques encore si nouvelles, les musiques industrielles. Mais aussi Mama Béa ou Bernard Lavilliers. Sorti indemne ou à peu près d’une famille pauvre, un père Algérien licencié dans ma 13ème année, dans un département sinistré, le 93, l’instruction, l’école m’avaient guidé à regarder autre chose, plus loin.
Ce que je tente encore de faire.
J’avais « officialisé » mon homosexualité dans tout le lycée à l’âge de 15 ans. Quel personnage… Par la suite, mes looks de rocker « moderne » m’ont fait croiser d’autres anciens lycéens qui me demandaient si je me souvenais d’eux, eux qui se souvenaient encore de moi… J’étais l’éternel délégué de classe, et une année délégué au Conseil d’Etablissement. J’étais un agitateur politique de type subversif : j’étais un très bon élève, fumiste certe, mais je n’ai jamais redoublé, j’ai eu mon bac en séchant pratiquement tous les cours… Quel gachis, mais peut être cela était il nécessaire.
Mon analyse m’en a appris le sens. C’est mon travail aujourd’hui, réincarner ce lycéen instable, triste dans le fond mais tout simplement génial, amusant, audacieux et bavard, terriblement bavard. Et au charisme qui lui faisait déplacer les foules. C’est moi, tout seul, qui ai ainsi lancé le carnaval de ce lycée de banlieue (Bondy) sans histoire ni tradition. Menacé d’exclusion pour m’être présenté déguisé, d’autres élèves et amis sont venus déguisés l’après-midi…
Comment pourrais-je me plaindre de ma vie avec de telles expériences ?
Mes idoles étaient Bazooka et leur graphisme « aigu », brutal et kitsch à la fois, Siouxsie, Ian Curtis et Robert Smith, encore jeune et mince. Le beau Jacno et Elli représentait une part d’un idéal esthétique qui ne m’a pas quitté : Françoise Hardy comme horizon indépassable de la simplicité bien agencée. Aujourd’hui Katerine, Elena me font le même effet. Une belle chanson, c’est très sympa, et ce doit être très simple.
A la même époque pourtant, en plus du rock il y avait un engagement. Marche des beurs en 83, associations gaies, je donnais des coups de main partout. Et enfin, je sortais beaucoup dans les clubs gays : qu’est ce que je pouvais baiser, alors…
La politique m’a rattrapé par le biais du Parti Socialiste. Moi, le libre, moi, je me suis mis moi même en cage, au point d’étouffer… je ne vous raconte pas. De 85 à 88… J’ai adhéré à Act Up en 1991, je n’étais pas séropositif, c’étais donc un vrai engagement. J’ai donné le coup de mains à quelques actions.
Mais c’est vrai aussi que j’ai traversé cette partie des années 90 comme un zombie, fumant pétard sur pétard, à côté de la plaque. Sans travail. Perdu (père du). Le premier effet de mon analyse fut de me remotiver, le 2ème de me conduire à reprendre des études. Et de créer ma première vraie manifestation politique. J’ai commencé tout seul, mon charisme a fait beaucoup, et les talent de ceux que j’allais rencontrer fit le reste. Nous avons à quelques uns fait débrayer la seule fac parisienne durant le « CIP ». Marrant, « spont’ex », ce truc informel nourri des élans sartriens (moi, alias Arnantulfe Blazor), du doute souffrant de Camus (Nicolas, alias Le Président) et d’un extrémisme esthétique et analytique désespéré (Aurélie, alias Lubna Poob). Nous étions 6 mais nous avons fini par « absorber » des dizaines d’étudiants se réclamant de nous… C’est la seule fois où j’ai contraint des militants d’organisations à me demander mon avis. Ha ha ha…
Luc était de ceux là. La moyenne bourgeoisie intellectuelle parisienne non complexée, ce qui est devenu rare. Rive Gauche. Un look sobre pas du tout militant. Comme moi, comme nous, une réincarnation de la 2ème gauche. L’exigence de rigueur idéologique, le scepticisme et l’indépendance mais aussi une très grande fermeté sur des principes. L’extrème gauche ne nous faisait pas peur.
Notre groupe s’est dissout de lui même mais nous étions un peu plus nous même, et les études ont continué. Malgré nos positions de « meneur » (et fallait voir, nous faisions du théatre, des pastiches, des affiches et des publicités détournées), nous sommes tous passés à l’année supérieur et avec joie avons découvert La Sorbonne. Moi, j’avais 28 ans.
La politique nous a rejoint, et moi particulièrement avec le charme d’une couleur turquoise et les cheveux grisonants de Lionel Jospin. « Moi, j’apprends le flamenco en attendant la victoire de Lionel Jospin ». Ce fut ma meilleurs création, et je dois avoir encore ça quelque part… Peu de temps après, « les 3 », nous avons donc créé la « Section Socialiste Panthéon-Sorbonne, Section Charles Louis Seconda, Baron de la Brède et de Montesquieu ». J’avais l’aval de la direction fédérale, mais beaucoup ont halluciné. Nous nous proposions de « batir une société douce et moderne », et rendre « notre vie intéressante ». Nous avons rapidement constitué un petit groupe d’intellectuels. Aurélie, Nicolas et Stéphane, Céline, et puis Eric, Manuel, Aymone, et puis Luc. C’était logique qu’il nous rejoigne. J’ai toujours apprécié la précision de de pensée, précision qui le conduit à crééer. C’est ça, la 2ème gauche, ne pas avoir de dogme mais des objectifs nets, une rigueur et être prêt parfois à se laisser à l’extrème. Montagnes de chaises au 22ème étage de Tolbiac en 1994… La 2ème gauche ce fut Mendès France, Rocard et le PSU. Aujourd’hui nous sommes bien seuls : qui est l’ »héritier/e » ?
Parler de Luc c’est donc revenir à cette époque, à ces campagnes contre les lois sur l’immigration et à notre courage tant vis à vis de l’extrème gauche que vis à vis de l’appareil du Parti Socialiste. C’est repenser à nos discussions sur la démocratie, la post modernité, l’Europe, les flux migratoire et le cosmopolitisme. C’est repenser à sa passion pour Nizan à l’époque où je lisais les Chemins de la Liberté de Sartre…
Je suis heureux d’avoir revu Luc, une semaine après ce mail d’Eric. C’est pas une question d’âge, c’est une question de « réflexe ». A cette soirée, j’ai rencontré Gaelle, une amie à lui qu’il m’a présentée. Et j’ai été de voir que Luc est toujours Luc.
Ma vie a pris un peu plus de sens. J’ai beaucoup appris à l’époque, je crois avoir un peu transmis ce que l’on m’avait transmis. Le lycéen n’avait finalement pas perdu son temps, trainant ses yeux, ses oreilles un peu partout, il aiderait, adulte, d’autres à se trouver en étant un peu plus tourné vers les autres et en leur montrant que le désespoir est une posture stérile. C’est possible.
Hier soir, j’étais beau. Si si!
Mais alors, j’ai un de ces boulots devant moi… En tout cas je vais. Mieux, non, mais je vais, et c’est mieux qu’être mieux. Je vais mon chemin. I go my way. Mes sens sont aiguisés par cette souffrance que je laisse m’habiter. Et ainsi en parlant à Nicolas tout à l’heure au téléphone, il lit La Force des choses (S de Beauvoir), j’ai été surpris de retrouvé tant d’anecdotes de ce livre. Après tant d’années… Je comptais le lire comme un remède, ou plutôt comme une invitation à « aller », en parler m’a beaucoup plus carte je suis finalement toujours capable d’en ressentir la passion au dedans de moi.
Kyôto m’a guéri de ma langueur, m’a réconcilié avec l’écriture. Je suis un type bien qui s’est oublié dans une vie de chiotte.
Changer sa vie n’est pas bien difficile pour un type bien. Ce n’est pas du narcissisme. C’est de l’ambition. C’est beaucoup de travail. Quand c’est solide, on trouve toujours quelqu’un en route. Ha ha ha ha ha… Il n’y a pas que le sexe qui doive être solide, il y a son « ventre ». Et il n’y a pas que le « ventre » qui compte. Ha ha ha ha ha…
Bon, qu’est ce qu’il y a ce soir à la TV…
Bises à vous, amis lecteurs… Ah, oui, au sujet de Freud et de l’amour de sa mère. Je partage l’analyse de Freud. Adulte, je recherche l’ »amour de ma mère ». Comme tout adulte.
L’amour de sa mère, c’est cette sensation de chaleur, de fusion, de n’être qu’un que l’on ressent dans les premiers jours de la vie. Odorat, toucher, goût, tout est « maternel ». La vie ensuite nous sépare de notre mère : on ne tête plus, et puis un jour il faut vivre sa vie. Mais au fond de nous, nous recherchons tous cette sensation de bien être que nous procure cet être qui nous nourit quand on a faim, qui est une odeur familière, nous satisfait, nous donne du plaisir, et qui nous purifie aussi (les couches). La stabilité émotionelle, c’est quand on n’attend plus de sa mère la satisfaction de ce manque, mais quand on acceuille les autres, et puis une personne en particulier, dans ce rôle précis de nous faire du bien, de faire un, d’abolir la séparation entre l’égo et le monde, ne serait ce que le temps d’un échange de regard, d’un baiser, d’une conversation téléphonique.
Nous recherchons tous cela. Et les souvenirs agréables que nous avons en nous sont souvent des moments de cet ordre, des moments de « fusion », d’unité. « tu me comprends », on a « échangé nos points de vue », le vocabulaire abonde de ces expressions traduisant le sentiment d’unité. C’est aussi pour cela que des fois on est susceptible, ou que l’on se met en colère après quelqu’un qu’on aime. Notre désir d’unité est insatisfait, le désordre émotionel se manifeste, c’est la panique, « maman pourquoi tu viens pas me donner à manger… ». C’est pour cela aussi que dire pardon est important, cela recrée la proximité, la chaleur. La beauté d’un paysage est de cet ordre, il est pardon de soi et pardon des autres, il est plénitude, on se perd dans la contemplation.
Freud était un grand monsieur. Réactionnaire, mais aux intuitions géniales. J’ai aimé lire Freud.
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