Histoire de bullying au travail…

H

I’m big, blonde, and beautiful! And now…

J’avais partagé ces quelques lignes il y a un mois sur Facebook, je vais un peu revenir dessus. Elles étaient en anglais car je voulais que quelques collègues les lisent, je les traduis en en arrangeant un peu le style (c’était vraiment de l’anglais Facebook) et je reviens sur cette histoire, elle va avoir des répercussions totalement inattendues, ce qui est normal: on est artiste, ou on ne l’est pas!

« J’ai un collègue au travail qui ne me parle quasiment jamais, ni même ne se conduit poliment avec moi à un niveau minimal. Il m’a hurlé dessus trois fois parce que j’étais en train de parler avec une autre personne (un truc qu’il fait régulièrement, au passage), la dernière fois j’étais avec la mère de deux de mes étudiants alors qu’elle m’expliquait quelque chose. Son visage était si en colère quand il a surgit pour me dire « la ferme » que cette femme a bredouillé, confuse, et son visage a exprimé immédiatement de la peur. Elle s’est excusée plusieurs fois, bien qu’elle ne fut en rien responsable… Il y a plusieurs mois, il m’a suggéré à deux ou trois reprises qu’il n’aimait pas la façon dont je me vêtais… Je suis vraiment tellement désolé qu’il ne puisse pas comprendre à quel point je me fiche de lui, quelque part, je veux dire vraiment, mais ce qui est sûr maintenant, c’est que quand je le vois, la seule chose que je vois est un visage déformé par la colère. Récemment, il s’est laissé un très (minimal et très banal) goatee, qui rend la situation encore bien pire parce que ça ne lui va pas du tout et que c’est vraiment trop 90’s. Il y a des gens qui ont de très étranges façons de partager leur vie de merde, n’est ce pas… »

La situation est restée tendue tout ce temps, moi, je lui dis bonjour, un bonjour auquel il ne répond pas. Cette situation m’a un peu travaillé car en réalité il faudrait développer un peu.
Ses remarques sur mes vêtements, ça a été cash « tu ressembles à un skin head », je l’ai regardé, je lui ai demandé « pardon? », il m’a montré mes bottines (oui, j’aime les bottines…), je lui fais remarquer que ce ne sont pas des Dock Martins mais de très classiques bottines, il hausse les épaules et me dit qu’il sait ce qu’il dit. Je n’insiste pas, j’ai presque eu envie de lui dire qu’il aurait pu dire que ça faisait un peu pédé, ce qui aurait éventuellement été plus juste, mais je me suis dit à quoi bon. Une autre fois, il y est allé un peu plus franco, suggérant en une phrase que je devrais réaliser comment je m’habillais en me regardant comme on regarde une merde.
Comme si je commentais le sac à patate qui lui sert de pantalon, franchement. C’est sa vie! Ben non, lui, il a le droit de me balancer des trucs comme ça…
On a eu un jeune professeur à l’automne, peu sûr de lui, je voyais souvent le bully, puisque c’est exactement de ça dont il s’agit, qui allait bavarder avec lui pour lui donner des conseils, et vraiment, je trouve ça très bien. Moi, même il m’est arrivé d’aller essayer de lui parler mais là, dans les 5 minutes, le bully arrivait et avait un truc important à lui dire, parce que moi, vraiment, je n’ai aucune idée intéressante concernant l’enseignement bien entendu.

Et puis donc il y a eu cette fois où il a fait irruption dans mon espace de travail pour me demander de faire moins de bruit. J’étais avec une étudiante, elle a été un peu scotché, j’ai rattrapé comme j’ai pu. Une semaine plus tard, il se relaxait en regardant une vidéo visiblement très drôle sur Youtube © et je suis allé lui demander de baisser le son. Je trouvais le truc amusant, j’avoue, je m’en fichais un peu, mais je trouvais amusant de lui rendre la monnaie de sa pièce. Je pense vraiment que c’est là que les choses se sont vraiment dégradé, ont suivies les remarques sur les vêtements, les coups de gueule. Et comme je l’ai appris plus récemment, les petites remarques au directeur sur ma façon d’enseigner. Un bully, de la tendance Céline, vous savez, ceux qui bavent.
Il a fallu cette histoire avec la mère de deux de mes élèves, mère qui ce dit en passant a choisi de nous confier ses enfants parce que je lui ai enseigné le français il y a dix ans, pour que, sans rien dire à mon directeur, je vide cette espèce de pression, il fallait que j’en parle. Dans un espace privé, tout en voulant informer la secrétaire de la situation pour qu’elle sache que je me sentais très inconfortable.
La situation a semble gelée, dans les mêmes termes. Il s’est entre temps brouillé avec une autre professeur. Et il semonce absolument tout le monde de la même façon, il ne se rend pas compte qu’il n’est soit pas pris au sérieux, soit encore qu’il installe une espèce de gène dans une école qui, si elle devait avant tout avoir une originalité, serait avant tout d’être ouverte et décontractée, là où tant d’autres imposent des costumes à leurs enseignants. Je suis sûr que nos élèves aiment ce côté un peu relax, ils sont très chaleureux. Le directeur a même développé une petite bibliothèques, ils y empruntent des livres dont ils parlent entre eux parfois entre deux classes.
Je vais toujours chercher mes élèves avec le sourire, avec des blagues. Les autres professeurs font chacun à leur façon, il y a un style particulier dans cette école, un peu famille. Ça aide à passer le reste.

Car je pense que c’est là que ça blesse pour le bully. Le reste, c’est le sens que l’on donne à ce travail. Pas de perspective de bon salaire ni de promotion, des horaires pas trop faciles, une cadence parfois infernale, peu de réelle responsabilité en dehors de l’enseignement. C’est une école de langue comme il en existe des milliers au Japon, avec pour y travailler bien souvent de pseudo professeurs. Vous ne pouvez pas imaginer les types qu’on voit passer lors des entretiens. Et parfois, une vrai professeur, ou au moins une vraie personnalité, une personne brillante. Qui finit un master, qui a décidé de parfaire sa formation en enseignant dans plusieurs pays étrangers. Et puis il y a les atypiques, le professeur d’italien de l’école, qui enseigne ailleurs et écrit, il y a eu Jeremy, jeune américain de Chicago qui est passé de l’Autriche au Japon après avoir parcouru l’Europe et au Japon s’est arrêté à Shikoku, puis Kyoto avant d’arriver à Tokyo pour repartir étudier le yoga en Inde. Un mec très bien, Jeremy, d’une douceur. Lui, ce n’est pas un goatee, qu’il a, c’est une élégance de gentilhomme du 16ème siècle, ça rend incroyablement bien, sur lui.
Et puis il y a moi, bien sûr. Pour moi, le travail est alimentaire. Je le fais bien, j’y prends même du plaisir, mais ma vie, c’est ailleurs, mes rêves, mes ambitions sont ailleurs, vous le savez. Bref, travailler dans cette école ne me donne absolument pas le sentiment de rater ma vie, au contraire, travailler dans cette école me permet de vivre au Japon, d’y apprendre sur ce pays, mais aussi sur moi-même, et cela dans une ambiance plutôt sympa, avec un directeur qui dans le fond est très gentil, et des professeurs avec qui en général je m’entends bien. Je ne suis pas du genre à juger les gens.

Lui, je pense que c’est plutôt « pas de choix », je pense qu’il ne vit pas très bien cette situation professionnelle, et qu’à partir de là, il est très facile de jeter la responsabilité sur les autres, de se donner le profil du professeur le plus sérieux, en décrédibilisent les autres, et pour ce que j’en sais, moi. Car j’ai appris la semaine dernière qu’il avait bavé sur moi. Des conneries, la secrétaire me l’a dit, elle n’était pas dupe, comme elle m’a dit, il n’y a pas une seule plainte contre moi, si les élèves ne m’aimaient pas, ça se saurait. D’autant que je suis le professeur qui les garde le plus longtemps. Il y en a quelques un, je les vois depuis 8 ans… Dans un business ou les turn over des professeurs comme des élèves est de 6 mois…
Mais il a bavé. Et ce qui m’a permis de le savoir est le dernier rebondissement de cette histoire de bully, car ce professeur est un bully: il ne respecte pas les autres, on doit plier devant lui.
Mercredi soir, j’attendais un nouvel élève, et je bavardais avec un autre professeur. On ne parlait pas à voix haute. Le sujet était l’affaire Théo, et mon collègue, un new yorkais, n’en revenait pas qu’en France ce soit pareil. Le bully a surgit comme de nul part en tendant la main, pointant le doigt et hurlant « vous pouvez vous taire » et puis il a rajouter à mon encontre « ça fait combien de fois que je te le dis », et là, je lui dit « attends, hein, je vais te la rembourser, celle-là » (« hey, wait, this one, I will pay you back »), et il me répond « tu peux répéter? », et je lui dit en souriant, alors que mon autre collègue et moi bougions « I will pay you back ». Ben oui, rendre la monnaie de sa pièce, hein! Tu me reproches de faire du bruit, chiche, on va jouer à ce jeu là. Ses éternuements insupportables dont personne ne se plaint mais qui pourtant le mériterait dans un pays où le moindre bruit corporel est tu et le moindre écoulement est caché (les masques…). Ses bavardages dans le couloir quand il ne travaille pas, sa façon de boire son café en sonorisant les espaces environnants…

Je crois que mercredi, j’ai été le premier à lui dire « stop ».

Et jeudi, alors que mon mal de gorge était en train d’entrer en phase aigue et que bien entendu j’étais prêt à avoir une petite discussion avec lui (j’avais écrit un message à la secrétaire à ce sujet car je savais bien qu’en lui disant stop, on venait de franchir un seuil), j’arrivai au travail et… il n’était pas là.

Voici le mail que j’avais écrit à la secrétaire, sur son adresse privée. Jamais au directeur, à la secrétaire, juste au cas où la situation venait à se tendre vraiment. Excusez-moi, il reprend les éléments de ce billet, alors je ne le traduis pas, cette fois.
« I am sorry to bother you but my guess is that you know already once more Justin and I were ask not to speak. I do not think we were talking loudly but if it was the case it was unintended and with a very moderate tone.
I do not understand what appears to me as an anger. It happens to anyone in the school sometimes to speak a little loudly, I have never complained, because I have always favoured harmony between us.
This is really bothersome to me especially when Stephen has almost never talked to me. Once he told me I looked like a skinhead, which is offensive but I did not react and let it go, trusting we would learn to know each other. Another time, he reiterated by telling me he didn’t like my style, which is also offensive. I did not react and let it go.
Sometimes, I can hear him sneezing very loudly without even trying to refrain making such a noise, some students were very surprised, actually, but I never made any remark because it’s okay even if very noisy. Should I notice he sometimes speaks to other teachers in the corridor, that we can here the conversation in my booth, but I do not complain, the place is small.
In fact, he never tried to speak to me or to get to know me, I feel I have been judged from day one for some some reason which is not from my making. When Casey was at the school, several times when I was explaining things to Casey he came to our booth and asked Casey to come, as if what we were talking Casey and I was not important.
Recently, I have come to feel sometimes excluded from the team of teachers and forced to stay alone in my booth when others can talk. I am fine, I have my students to be with, but this not a really confortable situation. I have never experienced what I feel is harassment.
From now on, I guess I should report any time I can hear noise, etc but as you know me, this is not my personality and this would make the workplace not very friendly.
So, I guess I should keep silent, and not to talk to anyone, but this has never be what this school is all about. Our students like the lively atmosphere.
This is absolutely not a formal email, just a feeling of unsease I wanted to share with you as we have been working there for a long time. I shared it on Facebook last month and tried to go with it, but more and more this situation does not satisfy me.
Should I notice he never speaks to me? Nor even try? That he didn’t even talk to me nor introduce his wife at the Christmas party? »

Lui, il avait envoyé au directeur un email formel de plainte contre moi, estimant que l’expression « pay someone back » (rendre la monnaie de sa pièce) était une menace physique et qu’il ne se sentait pas en sécurité en ma présence…

Je dois rire? Ou pleurer? J’ai choisi bien mieux. On y arrive.

En milieu d’après-midi, j’ai eu une conversation avec mon directeur. J’ai vidé mon sac, c’était incroyable comme ça m’a fait du bien. Je pouvais enfin dire que je vivais une pression, un harassement depuis des mois. Que oui, ma voix peut être sonore, et certains étudiants âgés me choisissent pour cela, et que je le reconnais, et que cela peut déranger, mais qu’alors il y a des façons de le dire, parce qu’on est entre collègues, et que je ne suis pas un chien, rajoutant à mon directeur que personnellement, je ne parle même pas comme ça à un animal. Mon directeur me connait, il ne m’a jamais vu en colère est il sait que je suis plutôt le style arrangeant. J’ai reconnu que nous bavardions, pas de façon bruyante, et que si cela avait pu déranger son cours, je voulais bien m’en excuser. Mais me sentir insulter, là, je ne voyais pas bien. Pour moi, c’est le bully qui a un problème, moi, je vais bien.

Je ne suis pas allé travailler vendredi et samedi pour cause d’angine. Comme toujours, une maladie est une coupure. Soit on choisit de ne pas s’en remettre, soit on peut s’en servir comme d’une remise à zéro, et j’avoue pour moi, synchronisée avec la pleine lune et l’arrivée du printemps (à Tôkyô on commence à voir des fleurs de pruniers, les premiers cerisiers d’hiver, le ciel est bleu et la lumière est très belle, et puis oui, on sent bien que c’est le basculement de l’endormissement au réveil…), eh bien cela tombe parfaitement. J’ai fait quelques achats, il va y avoir une grosse vente dont je n’arrive même pas à réaliser que l’idée m’aie effleurée.
Il est temps que j’y entre, dans cette campagne électorale. J’aurai besoin de vous pour partager, s’il vous plait, mais non, vraiment, il manque quelque chose. Quoi? Disons que pour commencer il manque Madjid. Vous comprendrez très vite ce qui manque, alors.

Et demain matin, je coupe ma moustache, ce truc ringard des années 2010. Allez, oust!
« Mama, I am blond, I am big and I am beautiful… And now… » « Let’s dance! » (Tracey Turnblad)

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