J’ai fait mon premier « régime » à 14 ans. 7 kilos en 15 jours, et à 15 ans, j’ai remis ça, 7 kilos encore. Je pense avoir perdu tous les muscles de mes années de natation, mais ça, je ne le savais pas.
(texte écrit mercredi 24 août matin)
Un peu sonné après une nuit de huit heures dans laquelle j’ai plongé en quelques minutes, le corps fourbu par la séance de gymnastique de lundi dont il restait encore quelques séquelles. C’est toujours ainsi, c’est le soir suivant que la fatigue est la plus intense. Bref, j’ai très bien dormi mais je me suis réveillé avec le corps engourdi. Il émerge enfin, et avec lui le cerveau.
Je me suis couché vers minuit 45, ce qui est relativement raisonnable puisque je suis rentré chez moi vers dix heures et quart, qu’il m’a fallu le temps de préparer le diner puis de manger ainsi qu’un peu de temps, quand même, pour digérer.
J’ai « repris » la gym en juin, doucement d’abord, et puis de plus en plus sérieusement semaine après semaine. Je mets des guillemets car pour tout dire, je n’ai jamais vraiment pris la gym très sérieusement, en tout cas depuis mon arrivée au Japon. À Paris, j’aimais aller à la piscine et même si je n’y allais pas très régulièrement, j’y allais assez souvent, parfois plus souvent que d’autres.
Cette fois-ci, je tente une nouvelle approche. Non pas comme un truc en plus, mais bel et bien « dans » ma vie. J’ai largué Facebook, je m’apprête à larguer Twitter – je n’y poste plus ni n’y repartage quoi que ce soit-, j’ai supprimé mon compte Grindr. Je découvre une étendue de temps disponible que j’avais oubliée, trésor insoupçonné. Sentiment de solitude aussi, mais de demi-solitude seulement, car en réalité, ces réseaux sociaux sont les masques avec lesquels on habille la solitude, la vraie.
Je vais à la gym environ 3 fois par semaine pour le moment, je n’ai pas encore franchi le pas des séances du matin. Le club ouvre à sept heures, cela offre pas mal de possibilités. J’aurais tendance à regarder le matin comme le moment idéal pour nager quand le soir est plus propice aux machines ou au cardio. Du coup, n’y allant que le soir pour le moment, j’ai arrêté de nager, et j’apprends.
Je tente par la même occasion de me libérer de mes troubles de l’alimentation, et il faut avouer, la gym, ça aide beaucoup.
Car je dois le reconnaitre et l’écrire noir sur blanc, je souffre d’un rapport absolument problématique à l’alimentation – même si j’ai beaucoup progressé ces dernières années: si je n’ai pas vu mon poids exploser, c’est uniquement grâce à de bonnes habitudes installées comme autant de routines.
J’ai fait mon premier « régime » à 14 ans. 7 kilos en 15 jours, et à 15 ans, j’ai remis ça, 7 kilos encore. Je pense avoir perdu tous les muscles de mes années de natation, mais ça, je ne le savais pas. Je sais maintenant que quand on veut perdre du poids et même gagner un peu de muscle – ou en tout cas ne pas en perdre-, il ne faut pas supprimer le sucre, au contraire, parce que c’est parce qu’on en mange suffisamment que le corps ne va pas chercher dans les muscles l’énergie dont il a besoin, et que si on a une activité physique, alors, c’est vers la réserve de graisse qu’il va aller puiser. C’est plus lent, c’est moins spectaculaire que tous les régimes pauvres en glucides, mais c’est ce qui évite le yo-yo et, plus que tout, la perte de poids par la perte de muscle.
Vous me direz, pourquoi la gym, moi qui ne suis pas gym du tout. Alors là, c’est très complexe. Aucun espace n’est plus solitaire qu’une salle de gym. Et pourtant, il y a là le sentiment d’être occupé à faire la même chose que les autres, chacun à sa façon, bref, j’y ai le sentiment d’appartenir. C’est un lieu intime, c’est mon rendez-vous avec moi.
Chaque fois cette envie d’abandonner quand je m’impose 30 minutes sur le cardio, par exemple, et puis finalement une satisfaction intime quand c’est terminé. La même chose sur les machines. Je suis un grand marcheur, alors sur la machine pour les cuisses, je fait 60 kilos sans trop de difficultés (la troisième série est assez douloureuse sur la fin, mais c’est normal): c’est correct pour un « débutant ». Par contre, sur la machine à épaules, celle qu’on lève, le constat est sans appel: 10 kilos. Ça m’a super gêné, de « descendre » de 20 à 15, puis de ne pas pouvoir terminer ma première série tellement ça brûlait, et de descendre à 10. 10 kilos, j’y arrive, mais à partir de la deuxième série, c’est pénible. Je parviens à faire trois séries, la dernière très difficile à terminer, je me force.
Le résultat, c’est une meilleure connaissance de mon corps. J’ai laissé toute la partie haute en friche. Pour la machine qui travaille les abdominaux, je suis parvenu à « monter » à 25 kilos. C’est douloureux mais je fais mes trois séries. J’ai essayé 30 kilos, mais je dévissais du siège tellement le ventre ne pouvait soutenir l’effort et j’ai vite constaté que, décollé du siège je faisais appel à mon dos, une recette pour un désastre. On restera donc à 25 pour le moment, la douleur est tenable sur les deux premières séries, un peu limite pour la troisième mais dans des limites très raisonnables.
Parfois, malgré la sensation de brûlure lors de la troisième série, je rajoute une série que je fais durer autant que je peux. Mais je fais attention, j’évite de céder à l’illusion que procure l’adrénaline: il y a 25 ans, je me suis claqué un ménisques en faisant de la gym, la seule fois de ma vie où j’étais parvenu à maintenir un effort quotidien. Ça a été un véritable traumatisme.
Je ne suis qu’un débutant, et je me contente de butiner, d’apprendre et surtout d’y retourner.
Je comprends maintenant pourquoi j’ai régulièrement les épaules engourdies voire douloureuses quand je me promène toute une journée avec mon appareil photo et un sac. Je suis totalement démusclé dans le dos, et à mon âge, ce n’est pas bon. J’y vais aussi pour ça. Mon véritable objectif, c’est de « gagner » 10 ans, non pas de jeunesse, mais de forme, de tonicité, de vitalité.
Et alors pour ce qui concerne le temps que ça prend, c’est là où sortir des réseaux sociaux est une véritable aubaine, j’ai énormément de temps. En ce sens, la gym n’est donc pas un truc en plus, mais bel et bien une nouvelle routine. J’y suis allé lundi, je n’y suis resté qu’une heure et demie (en fait, presque deux heures avec le vestiaire et la douche), j’y vais aujourd’hui. La semaine dernière j’y suis allé deux fois, chaque fois deux heures. C’est encore peu car le vrai saut qualitatif, ce sera d’y aller également le matin pour nager, mais cela me satisfait vraiment. Je me sens bien après, et je m’y sens bien pendant, tout en sueur. Je m’y sens libre dans mon corps qui est pourtant très loin d’être un corps d’athlète: je vois des corps d’hommes incroyables, des corps comme dans des magazines, beaux, sculptés, le miens pourrait ne m’inspirer que dégoût et en fait c’est le contraire. Je ne sais pas pour les clubs de gym en France mais ici il règne une très profonde indifférence. C’est très bon pour l’estime de soi.
J’ai ressenti les premiers effets de ma reprise du sport à Kyôto. J’y circule sur des vélos de location. Alors qu’avec Jun nous nous dirigions vers de Kôdai-ji, nous avons emprunté une rue en pente très nette, et à ma grande surprise je m’y suis engouffré à toute allure, sans aucun essoufflement. Jun était loin derrière… Ma priorité depuis ma reprise a été le cardio. 30 à 40 minutes de marche rapide (6,9 km/h) sur une pente de 3%. J’ai vu mon rythme cardiaque s’améliorer au fil des semaines, passant de pics à 155 voire 160 en juin à environ 135/140 maintenant, ainsi et surtout une incroyable amélioration dans le temps de récupération: vendredi dernier, en trois minutes, je suis descendu autours de 100 en 3 minutes. Je fais aussi de l’elliptique, j’aime beaucoup car c’est du cardio qui fait bouger tout le corps, même ces satanées épaules. Je mets une résistance à 15 et je suis parvenu à passer d’une vitesse moyenne de 8 km/h à environ 11 km/h en deux mois, en veillant à ne jamais dépasser 155 de rythme cardiaque. La semaine dernière, je suis resté constamment en dessous de 150 et cela malgré des pics de vitesse à 11,5 km/h.
À mon âge, je dois vraiment veiller à ménager mon coeur, c’est pour cela que je me concentre sur le cardio. Ce faisant, je réveille mon corps, je le remets en mouvement, et de façon très amusante, je me remets moi-même en mouvement, mentalement aussi s’entend. Les machines, ce ne sont que des exercices que je rajoute au cardio parce que pour le moment, c’est mon coeur que je dois muscler, et ce sont mes poumons, que je dois entrainer. Lundi, pour la première fois, j’ai réduit le temps de cardio à 20 minutes d’elliptique pour me concentrer sur les machines. J’ai pu en faire plus pour la première fois. Aujourd’hui, peut-être je ferai la même chose avant de conclure par de la natation. On verra.
Je vous en reparlerai au fur et à mesure. J’espère bien ne pas abandonner, ce serait dommage comme ça l’a été à chaque fois, et comme ça l’a été pour tant et tant d’autres choses.
La gym, comme une métaphore de ma vie…