… réfléchir en France sur la capacité qu’aura Emmanuel Macron à esquiver son bilan à l’aide d’un même type d’entourloupe sortie du chapeau dans la dernière ligne droite avant la présidentielle…
Pour moi, aucune surprise concernant le ras de marée Conservateur.
Les vrais perdants: les anglais
Les Tory et à leur tête Boris Johnson ont fait une campagne basée sur une diversion: le Brexit. Le Labour est lui allé à l’élection sur la base d’un programme. Toute le travail des Conservateurs a donc consisté à rejeter la faute des trois ans et demi de perdus à faire le Brexit sur le Labour quand en réalité ce sont les conservateurs qui étaient au pouvoir.
Le véritable échec du Labour est donc là: non pas son programme, mais l’incapacité de son appareil usé à « sentir le moment ». Ainsi sa capacité à accepter une coalition avec le SNP qui de toute façon aurait été nécessaire. Ainsi son incapacité à accepter de tenter de former un gouvernement de coalition durant l’été en plaçant les LibDem devant leur responsabilité et donc leurs électeurs devant le véritable choix. Son incapacité à accepter le Brexit deal de Theresa May en le monnayant d’un référendum de confirmation et d’élections générales qui l’auraient affirmé comme un parti leader. Que d’occasions manquées…
Corbyn sera attaqué sur le positionnement du parti aux côté des classes laborieuses, précaires et notamment parmi elles des populations racisées, en ruptures totales avec le New Labour mais dans la continuité hésitante de Ed Miliband entre 2010 et 2015. Il sera attaqué sur un programme jugé « trop radical » quand en réalité il n’aurait fait que remettre le UK dans la moyenne européenne (gratuité de l’éducation, nationalisation du rail, de l’électricité et du gaz, de l’eau). Et bien que le score laborieux des LibDem démontre que la voie centriste « Blairiste » n’était pas non plus une solution et qu’elle a été rejeté par ses propres électeurs.
Boris Johnson va hériter d’un pays fracturé et qui ne tardera pas, une fois le « Brexit done » à s’apercevoir que non, le Brexit ne sera pas réglé puisque le Brexit du 31 janvier 2020 ne règlera rien de la partie commerciale entre le UK et l’UE, et que oui Donald Trump et les USA mettront la main sur le service de santé grâce à un accord commercial de libre échange qui garantira « une concurrence non faussée entre le NHS et les assurances ».
La diversion « Brexit done » que Boris Johnson est parvenu à opérer afin de faire oublier dix ans d’austérité qui ont fait exploser la pauvreté à des niveaux record en paupérisant ceux qui n’étaient pas encore à la rue et en mettant 4 millions de personnes à la merci des banques alimentaires devrait faire réfléchir en France sur la capacité qu’aura Emmanuel Macron à esquiver son bilan à l’aide d’un même type d’entourloupe sortie du chapeau dans la dernière ligne droite avant la présidentielle…
Le vrai vainqueur: l’Ecosse
On ne le dira pas encore, mais ça viendra. Le vrai vainqueur et cela me réjouit vraiment, c’est le SNP. Les électeurs écossais et le parti indépendantiste ont, eux, « senti le moment » en se déplaçant en masse pour une victoire législative qui s’annonce historique: à cette heure, il semble que le SNP ait quasiment arraché toutes les circonscriptions, ce qui en soit vaut referendum pour un nouveau référendum. Le SNP a fait campagne pour rester dans l’UE. Pas par fétichisme européen.
Pour l’Ecosse, l’UE, c’est la possibilité de se rapprocher de leur milieu géographique naturel, de leur histoire, de leur culture, les territoires de la vaste Mer du Nord, la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark, et l’Islande. C’est la possibilité de mettre fin à une colonisation de 4 siècles, de cette terre écrasée dans le sang lors de la bataille de Culloden en 1745, et commencer enfin à réparer les dégâts de cette colonisation, ces dégâts typiques que sont l’alcoolisme, les toxicomanies et le suicide (l’Ecosse et le pays de Galles ont les taux parmi les plus élevés en Europe), les familles disloquées, un écart de revenu permanent et jamais rattrapé avec l’Angleterre. Les écossais savent très bien que l’indépendance appauvrira un temps leur pays, les partis britanniques ont passé leur temps à le leur dire en long et en large. Cela leur avait fait peur en 2014 lors du référendum. Les écossais sont un peuple prudent, une inclinaison que le climat difficile et la mer violente ont profondément encré. En votant en masse pour le SNP, ils ont envoyé un message net qui est le véritable message de dignité d’un peuple qui veut retrouver sa liberté: plutôt libres qu’être asservis à des règles et des lois dont on n’est ni l’auteur ni le bénéficiaire, ni asservis à cette prédation des richesses de la mer du nord qui pendant trente ans ont financé les baisses d’impôts des riches en Angleterre sans apporter quoi que ce soit à l’Écosse.
Triste pour les anglais qui se sont piégés eux même une deuxième fois avec cette histoire de Brexit. Triste pour le Labour qui paie le prix de s’être à juste titre véritablement intéressé au sort des gens ordinaires en oubliant que cette élection était avant tout une élection sur le Brexit et que c’était sur ce sujet qu’il devait avoir une stratégie claire.
Mais profondément heureux pour l’Écosse qui a désormais un pied dans son indépendance et cela, à moins d’une guerre civile, Boris Johnson ne pourra pas s’y opposer. Et au delà, une pensée pour les gallois et les irlandais qui doivent commencer à regarder ce territoire du nord qui défit Westminster avec calme et détermination.
Let’s give back Scotland’s Future in Scotland’s hands.
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