De vous a moi, 1993
Je viens de relire, O que j’aime ce desordre de l’ecriture et de la pensee… Je suis à l’école. Premier post en plus d’un mois et demi. Dehors, le ciel gris de l’été qui arrive.
J’ai pensé reprendre l’écriture maintes fois, j’ai tellement à vous dire, tant à partager
Je suis un être aux identités multiples et brassées, recomposées.
Par exemple, Suppaiku a milité au parti socialiste, il a aussi quitté ce parti, puis il y est revenu enrichi, fertilisé par une aventure « gauchiste » régénérante. Il a alors créé sa propre section socialiste qu’il a imprégné d’une personnalité particulière sans vraiment savoir alors que c’était d’abord la sienne. Et puis il a re-quitté pour ne plus revenir. Suppaiku/Madjid passant à la télévision, deux fois, sur Canal Plus. Comment n’a t’il pas, comment n’ai-je pas compris que JE suis une partie de la vraie rénovation dont le socialisme a besoin… Je souffre de mon identité socialiste. Je souffre d’une bousouflure mitterrandienne qui enfle a proportion que la médiocrité des socialistes enfle. Qu’ils n’aiment pas Ségolène, certe. Qu’ils préfèrent disparaître plutôt que lui donner le parti est un crime qui justifira encore plus d’abstention. Je les rêve vaincus, tous ces barons de Région bousouflés par leurs notes de frais, satisfaits de leurs travaux publics et du pli impeccable du caleçon acheté par madame.
Par exemple. Suppaiku rêvait d’être couturier. Pas styliste, non, couturier. Faire des vêtements, d’abord. Pour en faire ce qu’il voudrait. Je rêve toujours de restructurer, et je suis arrivé très récemment à des conclusions surprenantes sur ce sujet. J’en garde un goût pour certaines époques, leur allure, et il m’arrive de communiquer avec des êtres morts en regardant ce qu’ils nous ont légués. Je me souviens une fois, au Musée Carnavalet, de chaussures datant de la fin du XVIIIème siècle, réparées maintes fois, bref, portées par des pieds différents peut-être une bonne vingtaine d’années. Marianne ou Éloïse, Fanchon ou anonyme porteuse d’eau à la Samaritaine, fille du quartier Saint-Denis.
Par exemple, Suppaiku/ Madjid garde pour l’histoire de l’ancien régime une passion intacte. En ce moment, je lis le premier tome du dictionnaire de la Révolution Française de Mona Ozouf et François Furet. Cette bordure de l’ancienne France est passionnante.
J’y trouve d’ailleurs la musique que j’aime, et qu’on interprête désormais de manière magnifique, entre violence et passion, aux lisières de l’agonie, de la folie, du bonheur et de l’extase, et de la sage tempérance quand passe la main d’un compositeur Français. Suppaiku a fait de la flûte traversière durant sept ans : il adorait Vivaldi. Vivaldi, le fil conducteur de toute une vie de déjà 43 ans…
Arnantulfe Blazor, 1994
Et puis il y a le père, et il y a la mère. L’Algérie, la Kabylie d’abord, la culture Arabe. Très peu, finalement, mais quelque chose quand même. Il faut visiter l’Alhambra pour comprendre la puissance de cette civilisation il y a un millénaire. On y lisait déjà Aristote quand on brûlait ses lecteurs en Occident. Cruel retournement… Très peu, mais quelque chose du côté de la culture Berbère. Que mon père, le Kabyle, excécrait et auquel il préférait l’Arabe. Le son d’une langue pourtant… Et puis l’ouest de la France comme de solides racines. Oui, mes racines de l’ouest, fermes et profondes. Le goût du beurre, la crême fraîche, les pommes et les rillettes. On ne refait pas les goûts de l’enfance, ils nous font pour toute notre vie.
En moi la délimitation, si longtemps conflictuelle, entre la part Algérienne et la part Française, s’est résolue dans le fantastique bouillon de culture Parisien, se muant de part en apport. Et si l’apport du Maghreb est léger en comparaison à l’apport Européen, j’ai appris à le cultiver et à y trouver un réel plaisir. Et comme mon père, mais bien mieux que lui, je suis en mesure d’apprécier la culture arabe et sa très grande richesse. La Berbérie, loin du mythe, s’est enlisée dans les terres ancienne de l’Antiquité en refusant de se transmuer, de devenir autre. Sur Youtube, les musiques populaires Kabyles me font penser aux chansons qui me faisaient rire autrefois pendant les soirées familiales Eurovision: Malte, Yougoslavie, les ringards éternels…
Barzandrille, 1994
Un fils de pauvre, je l’ai déjà raconté. Mon père en fin de droit, et puis mes parents qui ramassent les fruits à la fin des marchés, et puis les vêtements récupérés. Et puis moi qui va à l’Université. Suppaiku manquait alors cruellement de culture et n’avait de la liberté qu’une idée égoïste, enfantine. Je dois à cet épisode gauchiste entre 1993 et 1994 un réel changement que le début de mon analyse avait rendu possible. Car désormais, bien qu’imparfaitement, je savais vivre avec les autres. Les tiraillements des origines et de la pauvreté, de la culture et de ma « liberté » avaient cédé la place à des possibles. Je ne me suis jamais autant enrichi qu’avec Spont’Ex, avec LES Spont’Ex. Nous avons été un OVNI politique au détours d’un hivers où le désespoir pointait, prenant alors le visage de Balladur. Spont’Ex, bien sûr, c’était moi, Arnantulfe Blazor, mais ce moi ne fut possible que parce que j’étais prêt à recevoir des autres. Un télescopage.
Il y a le fil Vivaldi qui me raconte très bien. Mais il y a mon moment Beauvoir, et mon temps Sartre. Beauvoir, ce fut l’été 88 alors que je frisais, déjà, sans même le savoir, le suicide. Beauvoir m’a raconté le Brésil (la force des choses) et a réveillé mon envie de vivre, au moins pour un temps. C’est avec mon analyse que j’ai commencé à comprendre pourquoi. Alors le temps Sartre a commencé. Avec un mal de ventre qui a duré une semaine après ma lecture de La nausée. Les Chemins de la Liberté m’ont réveillé, j’ai pu découvrir Dos Passos (en fait, j’adore l’écriture du 2ème tome des Chemins, certainement repris de Manhattan Transfert ou Farenheit 431 que Sartre avait lus, en gros consommateur de littérature américaine qu’il était). Et grace à Sartre, je suis revenu à Beauvoir qui reste mon personnage du 20ème siècle préféré : elle est ma mère en culture. Je lui dois d’avoir lu Faulkner, Gide (presque tout), Fitzgerald, Hemmingway, Dos Passos (ben oui, les mémoires…), Kafka, Balzac, Flaubert, plein de romans policiers, Genet (je suis très fier de ne pas avoir lu l’homosexuel, mais l’écrivain), etc… Les mémoires de Beauvoir, ça donne envie de remplir sa vie. Je suis au Japon grace à Beauvoir.
J’ai parlé de Genet. Bien sûr, j’ai mon identité Homosexuelle. C’est extrèmement solide. Je suis homosexuel, tante, pédale, tarlouze, tafiole, PD, pédé, gay. Je ne suis pas queer, ce produit « Tendance », version « fashion » de l’âge internet. Pour moi, une vraie révélation de l’ordinaire, ce fut ce reportage TV sur ce type brûlé/battu dans le nord de la France. Il apparait, défiguré, aux côtés de son compagnon -un peu folle. Il parle. Je suis PD, ce qu’il dit, je connais, et mon oeil commence à balayer l’écran. Un napperon en dentelle sur la télé, une majorette. Des beaufs. Du « upper prolétariat ». Des homos de pavillon de banlieue en vêtements Carrefour. De l’anti-queer. Le surgissement du réel, loin de la nouvelle petite bourgeoisie des grands centres urbains, là où c’est facile d’être pédé. Là où ça ne mange pas de pain de faire son « coming out ». Quitte à prendre un pseudonyme pour les médias. Je ne suis pas Queer. Du tout. Je suis un homosexuel. Ca, au moins, les homophobes, ils comprennent, et ça leur donne envie de protéger leur derrière. Queer, ça leur fait penser, « tu sais, comme l’autre, à la télé, qui bouffe des extas » « ah, ouais, il était dans l’émission avec Cathie Guetta, putain, elle est bonne pour ses 45 ans, ça l’air grosse pipeuse » etc.
J’ai comme tous les gays été imprégné par la culture du SIDA en temps que séronégatif « conscient ». Pour le coup, le SIDA a été un élément déterminent dans mon état suicidaire dès 1984/85. Nous avons été un certains nombres à ne pas savoir gérer ça. Être séronégatif… J’ai même adhéré à ACT-UP. C’était naturel, pour moi, le militant. Je suis un ex-seronegatif.
Arnantule ou Barzador, Suppaiku ou MBC, derrière mes signatures mutiples se cachent des moments et différentes facettes d’une personnalité que j’ai mis beaucoup de temps à construire, et enfin à rassembler.
Je vous souhaite de nouveau, comme au premier jour, bienvenue. Car malgré tout ce que j’ai pu écrire, j’écris pour vous, parce que je ne vaux que par vous (vous ne valez d’ailleurs que par moi) et je ne vaux, finalement, que pour vous (vous ne valez d’ailleurs que pour moi).
Bienvenue sur le blog de Madjid.
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