J’aime ces passantes en kimono, elles introduisent un décallage intéressant. Cette semaine, un élève au physique quelquonque est arrivé en kimono, et d’un seul coup il était beau, plus à l’aise que dans ses T-shirts sans forme qu’il ne porte que parce que ça se porte…
C’est depuis l’enfance que m’est venue la passion du Japon. C’est il y a très longtemps, finalement, et être ici, ce n’est finalement pas si étonnant que cela n’y parait. C’est ne pas y être qui le serait même plus… Bref, je suis heureux d’être au Japon et partager avec vous cette aventure est un vrai plaisir.
Il y a ici des choses fantastiques, il y a aussi des trucs redoutables. Je ne vais pas vous faire un ruc du genre « retoutable d’abord » et garder le meilleurs pour la fin… Non! On va plutôt tâcher de répartir et considérer que ce blog est une tartine. Hier, je me suis acheté du Nutella…
Ginza, vers la gare 有楽町駅/Yûrakuchô. Un 薬屋/Kusuriya, drugstore. Bonimenteur vendant des produits… Shiseidô…
Le Japon est le pays du commerce
Il doit bien y avoir d’autres pays très experts mais le Japon étant surdéveloppé, cela prend ici des proportions assez hallucinantes. J’explique.
Il y a dans ce pays une présence du commerce qui n’existe pas en France ni même en Europe. Néons, sonorisation des magasins et boutiques ouvertes comme déversant leurs produits sur la chaussée font ici le quotidien. Plus ! Ici, le racollage est banal : vous marchez, un homme vous accoste, il a la carte du restaurant, du karaoke, du bar et vous détaille menu, les attraction et bien sûr l’éternelle promotion, le 食べ放題/nourriture à volonté, 飲み放題/boisson à volonté, et finit toujours par le sempiternel よろしいでしょうか/ ça vous va ?, de rigueur et qui me rappelle toujours, chez Cortal, le « et c’est bien ce que vous recherchez, n’est-ce pas? »… Il y a également tous ces magazines de coupons (il y en a même un qui s’appelle Coupon Land…), magazines gratuits et distribués dans la rue par des jeunes filles s’écriant よろしいでしょうか… Cet univers ultra commercial et extrèmement bruyant se retrouve jusqu’au supermarché du très chic Mitsukoshi, l’équivalent de nos Bon Marché/ Galeries Lafayettes/ Printemps… Là, pour la nourriture, c’est narines déployées et oreilles à l’affût qu’il faut s’aventurer : les vendeuses vous appellent, vous montrent les plats, irasshai’irasshai’, vous proposent de déguster, yoroshiideshouka, et cela à tous les stands…
Ginza, vers la gare 有楽町駅/Yûrakuchô. Le même…
Cela compose un tableau original, celui de la survivance dans le Japon de la fibre optique 光/hikari -la lumière-, de la culture de l’ancienne capitale, Edo (江戸)(devenue 東京/Tôkyô, capitale de l’Est en 1868 à la suite du rebaptème de l’ancienne capitale 都/miyako, autrefois 平安京/ Heiankyô- en 京都/Kyôto, capitale « capitale »).
Ce fait un de ces bouquant… La prmière fois que je suis venu au Japon, c’était le troisième jour, je suis allé à Shibuya, j’ai cru que je voulais repartir, je ne pouvais plus. Pas des décibels, non. Des tonnes de décibels! Pas des rabateurs, non. Mais des racolleurs parfois munis de porte voix qui vous hurlent dans les oreilles leurs formules de politesses (vous êtes un client, on vous doit quand même le respect, même si on vous explose le tympan…). Et puis je m’y suis fait, et c’est ce truc là qui me manque des fois à Paris, à Kyôto ou dans mon quartier, si calme, de 神楽坂/飯田橋. Mais maintenant, en un coup de vélo, et je suis au Paradis du bruit, à 新宿/Shinjuku, et puis je redescend la grande avenue, 原宿/代々木/渋谷-Harajuku, Yoyogi, Shibuya, et le bruit, même s’il se calme vers Yoyogi et ne réapparait que vers Harajuku, est là, il m’enveloppe, et je me sens bien, pris en charge, entourré des mes semblables dans la plus gigantesque Mégalopole du monde, 東京. Et je me prends même à rêver à Paris centre illuminée de néon, brillant de milles feux de ses boulevards au cafés ouverts 7/7 et 24h/24, avec ses commerces ouverts de même, des théatres encore plus, et plein de restaurants et, sitôt le boulevard quitté, le calme réconfortant de nos quartiers reconquis… Ici, ainsi va la ville, et non loin de l’agitation bruyante des grandes artères se perpétue le calme de petites ruelles où l’été, se reposent les chats…
Ma proprio m’a dit qu’à 靖国神社/Sanctuaire Yasukuni, on avait les plus beaux cerisiers. J’y suis allé le jeudi 23 mars
Terriblement conformistes
En automne, j’avais parcouru la ville de Kyôto à la recherche de Momiji, l’érable rougit. Cette « folie Momiji », je m’y étais presque résigné mais j’en ai finalement tiré un de mes meilleurs souvenirs de cet automne dans ma ville chérie.
Dans ce pays, tout le monde est emporté dans le rythme ambiant, principalement guidé par les saisons (et même si le commerce essaie de supplanter ces rythmes saisonniers, avec les バレンタイン/Saint Valentin etワイトデー/White day, les femmes offrent des chocolats aux hommes le 14 février, les hommes « retournent » 2 à 3 fois la valeur des chocolats reçus le 14 mars…
Après, c’est génial, il y a des chocolats en solde partout ! En ce moment, donc, c’est la folie des cerisiers auquel je ne participe que modestement : je travaille le week end ! Toutefois, samedi dernier j’ai traversé le Parc impérial et les ai regardés, et samedi prochain je remets ça… ! Qui a dit que les Japonais sont conformistes ?
et voici le « célèbre sanctuaire », en effet très beau
J’ai demandé à Jun s’il allait déjeuner avec des collègues dans un parc, à l’ombre des cerisiers. Il m’a dit que c’était vraiment pas son truc. Et qu’en fait personne n’aimait trop ça mais personne ne refusait, finalement. Bref, les Japonais ne sont pas si conformistes que cela.
Peut-être est-ce plutôt le système hiérarchique mis en place dans les entreprises après 1945, basé sur le modèle du commandement militaire d’avant 1945 qui est responsable de cette obeissance à des rites par ailleurs martelés à coup de télévision et de publicité. il faut aimer les cerisiers.
Et dans ce pays dirigé par la droite nationaliste depuis 60 ans, ne pas aimer les cerisiers, c’est un peu comme ne pas aimer le Japon. Au fond de moi, je pense des fois à Sei Shonagon, à Dame Murasaki, ces 2 femmes de 平安/Heian l’ancienne Kyôto du 10/11ème siècle, et je suis persuadé qu’elles fuieraient comme la peste ces 花見/月見/紅葉/Hanami, regarder les fleurs/tsukimi, regarder la lune/momiji, feuilles d’érables… qu’elles popularisèrent involontairement en écrivant leur journal intime, par la suite publié, commenté, glosé et enfin érigés au rang de chef d’oeuvres nationaux.
Je doute pourtant que le rot alcoolisé d’un picniqueur de Ueno durant le hanami des cerisiers soit très comparable à ces promenades aristocratiques dans des habits de soie…
Européens: à leurs coupes de cheveux et à leur manière de vouloir tout photographier, j’ai compris tout de suite ce qu’ils aimaient dans ce sanctuaire de Yasukuni… Pauvres Kamis du Japon… pauvre Kitsune… pauvres Japonais…
Je crois ainsi que ma propriétaire ne pense qu’aux cerisiers, au sujet de ce sanctuaire. C’est normal, il est à côté de chez nous. Mais bon, moi, je préfère mon petit sanctuaire derrière chez moi, plus tranquile et moins couru malgrés ses très beaux cerisiers en fleurs !
Je pense que je savourerai mieux les cerisiers l’an prochain, car cette année n’est qu’un round d’observation où je m’imprègne du rythme, des saisons.
Et pour tout dire, même si je sais l’été insupportable, c’est lui que j’attends avec impatience pour enfin reprendre l’habitude perdue de sortir le soir et errer la nuit dans une ville désertée. C’est à Tôkyô un vrai délice, malgré la pluie, malgré la sueur : la ville est immense.
Autre passante un jour de soleil, sur Ginza. C’est cela que j’aime, au Japon, plus que tout. Cet art de cultiver la vraie culture, pas la tradition, non, mais l’amour d’un savoir faire ancien, un peu contraignant mais où s’exprime le goût et l’âme d’un peuple. Le savoir s’habiller fait partie, à mon sens, du vrai savoir vivre et il suffit de voir comment les Français s’habillent pour comprendre à quel point, appauvris financièrement et culturellement, ils ont perdu ce « truc » qui faisait pourtant leur réputation à travers le monde. Le chic. L’élégance. Pas une question d’argent, non. Une question de goût. L’élégance de Ginza me réchauffe le coeur et, me cultivant sur 大正時代/ L’époque Taishô (1912-1925), je prépare mon look d’été, terriblement japonais, terriblement occidental, terriblement Taishô…
De Tôkyô,
fichtrement Parigot, euh, Tôkyôgot…
Suppaiku
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