Le Blog de Suppaiku, journal bloggué de Madjid Ben Chikh, à Tokyo.

Au revoir, nous etions bien ensembles, mais ce soir…


Eh oui, il fallait bien que cela arrive un jour : je pars demain.
Ces derniers jours ont ete vraiment bien, vraiment intenses et inoubliables, malgre la pluie avant hier et la grisaille hier. Aujourd’hui, toutes les Divinites du Japon se sont alliees pour faire de cette journee une journee ensoleillee. Merci…
Bon, je me suis beaucoup promene, et je suis alle revoir de endroits qui me sont maintenant familiers, comme Chion In, Kurodani, Yasaka Jinja, Nanzenji, etc. J’ai revu la Kamogawa et m’y suis promene. Sensation etrange, que le retour vers des lieux deja vus, revus, et portant en eux la marque du temps… L’hivers s’installe tous les jours avec plus d’insistance.
J’ai enfin compris ce que sont ces saisons au Japon. Ce n’est pas la saison reelle, que l’on observe, que l’on guette, non, c’est la saison ressentie. Et cette saison ressentie est attendue, elle porte en elle a chaque fois son fruit. Ainsi, pendant tout mon sejour, tout, les magasins, les bentos, tout etait « momiji » (erable, dont les feuilles rougissent en novembre), mais les feuilles etaient toujours vertes. Mais voila que depuis une semaine le rouge envahit les jardins, les rues, et avec lui le sentiment que l’automne s’acheve. A quel autre moment prend on conscience de ce que l’on a si ce n’est quand on le perd, semblent dire les saisons… Je suppose maintenant que des mi fevrier le Japon est envahi des fleurs de cerisiers en plastique, que les bento sont « hanami »… mais il faudra attendre avril pour que la floraison reelle des arbre eveille enfin ce peak sentimantal que les Japonais affectionnent. Les fleurs a peine tombees, ils savent bien que l’ete, et donc les pluies arrivent. Alors, sous le soleil de mai, on se preparera aux grosses chaleurs de l’ete et ce sera la saison de « semi » et « hanabi » qui commencera, bien que ces 2 phenomenes soient de Juillet…
En ce moment, Kyoto est « light up », ライトウップ, c’est a dire que des temples sont allumes la nuit et ouverts au visiteurs… J’ai donc, moi aussi, fait « light up » a Chion in et a Kyomisudera… A Chion In, en fond, la musique de Gagaku jouee par les moines sous la grande porte… Magique… A Kyomisudera, la visite rare des Jardins prives, magnifiques… Le matin, j’etais a Kurodani qui presente aussi en ce moment ses tresors… Mes jambes etaient tres fatiguees hier soir, mais j’etais heureux de partir reconcilie avec Kyoto, qui a sa maniere m’apprivoise et m’apprend decidement beaucoup de choses sur le Japon, mais aussi sur moi meme. J’aime son calme, definitivement. Et quelles beautes se cachent partout dans cette ville… Vraiment oui, j’aime Kyoto. Et ce n’est pas facile, me dompter, mais la ville y arrive…
En traversant Gosho, il y a 2 jours, j’ai pense que j’avais enfin « retrouve le temps… », que pendant longtemps, j’avais cherche a « arrete le temps », a « avoir le temps », a « trouver le temps », et a ne jamais etre tout a fait dans le temps reel, a ne pas me vivre comme moi meme le propre acteur de mon propre destin, a ne pas etre vraiment la. Le Jardin autours de moi m’etait a ce moment la tres reel, sous la pluie, et je le revoyais sous le soleil, comme cet apres midi ou nous attendions un typhon qui nous contourna, et ou il faisait si chaud. Ou comme ces fois innombrables ou j’y ai gare mon velo… Le retour a Heian Jingu a ouvert la boite aux souvenirs, ceux de moments intenses et reels, vecus pour eux meme. Je suis heureux d’avoir pris mon temps, de ne pas courir, j’ai imprime la marque du temps, la couleur verte a mon arrivee, le gris moite des typhons, et puis cette desolation qui enveloppe la ville et ses jardins. J’ai encore a l’oreille le chants de toutes ces varietes d’oiseaux, le bruit des feuillages, et le coassement permanent des corbeaux.
Hier aussi, grande promenade sur le chemin de la philosophie, tetsugakudou, 哲学道. Cela m’a conduit vers la Sanmon du Nansen ji… Et toujours cette foret en fond, le chant des oiseaux… Le soir, au hasard, la bonne odeur des restaurants. Vers Kyomisudera, le quartier etait plein : c’est que momiji, les light up et la presentation des tresors drainent une foule nombreuse de touristes Japonais a Kyoto. J’ai pense « ben voila, moi aussi, je fais Momiji, cette annee. J’ai trouve ca rigolo…
Aujourd’hui je suis retourne a Fushimi, il faisait tres beau, c’etait exactement le souvenir qu’il me fallait : escalader la colline, passer sous les torii, ca monte, ca monte, dire bonjour a Kitsune, decouvrir mon grand ami le Kami Cheval, revoir encore et partout kitsune. Au hazard, on croise des enfants en habits anciens qui font leur 7/5/3.
Vers Teramachi, sur Shijo, les filles en mini jupes plissees, une casquette sur leurs cheveux blonds gonfles marchent, presques arrogantes, perchees sur des bottes a haut talons aiguilles, au bras de leur copains fluets, chatains avec des meches, une veste trop grande a 2 boutons, un bonnet ou une casquette, et tous bavardent en pianotant d’une autre main leur keitai megapixel de 3eme generation…
D’autres filles, plus discretes, aborent ces looks du Kansai, chaussettes noires a mi mollet, couleurs brunes et ternes dominantes, cheveux lisses. Des hordes de « chimpira » (petite bite) chatains a ray ban, en costumes noirs trop grands pour eux, essaient de rabattre les filles vers des jobs remunerateurs… plus tard, ce sont les messieurs qu’ils rabatent… D’autres, invisibles, passeront leurs nuits a « irassaimase », « arigatou gozaimashita », « sanbiaku nijuhachi en ni narimasu », etc, a servir des clients dans les konbini (petites boutiques).
Moi, demain, a cette heure la, je reverai a la delivrance de mes jambes piegees dans un avion Japan Air Lines, on approchera de Londres et j’en aurai encore pour 4 heures d’attente avant d’arriver a Paris… Cela etant, j’ai paye mon billet EUR 695, sur le ticket il y a le « vrai prix », EUR 1980, donc je ne me plains pas trop…
Allez, il est tard et demain, ce n’est pas le plus agreable du tout. Leve de bonne heure, aeroport, avion, Londres, avion. Paris. Je remercie Nicolas et Stephane, 2 amis, de bien vouloir venir me chercher a Roissy. Je remercie egalement Nicolas d’avoir pris soin de mes plantes et mon courrier durant mon absence.
Je vous remercie d’avoir lu ce carnet de bord incomplet, auquel je rajouterai bien entendu des photos ainsi qu’un appendice sur le pays du Bento. Ah, oui, je revien a Paris fou-mordu des yakisobas, pas encore vaccine du Tonkatsu-Raisukare. Je peux me passer de Ocha pour un moment, et les glaces matcha en octobre novembre, ca ne l’a fait qu’une fois. Je vous prie aussi de ne pas me faire de cadeau a base de chou a la creme (shuukuriimu), j’ai ma dose. En revanche, croissants et baguettes du Japon, autant que vous voulez… Je vais reprendre l’entrainement pour Okonomiyaki.
L’an prochain, je serai sur Tokyo, mais je pense quand meme repasser par Kyoto. Kyoto est une matrice, dans ma perseption du Japon.
Enfant, c’est a ce Japon qui existe encore ici que je revais, celui des temples, du koto, des femmes en kimonos. Je crois qu’il m’est essentiel. Et puis Kyoto change tres vite. Il y a par exemple beaucoup d’information sur les risques d’incendie. Et puis les gens veulent vivre dans des manshon, des appartement. Bref, le beton progresse tres vite et on prend conscience des degats occasionnes quand on va au sud de la gare. La, les maisons sont encore en bois. Quel enchantement, alors, a Katsura, ou a Nara, ou a Kurama… Mais qu’en sera t’il dans 20 ans…
Mais bon, passes mes 15 jours a Kyoto, c’est a Tokyo que je serai. Le defis que je me lance : reussir a aimer suffisament Paris de nouveau pour bien affronter Tokyo. Vaste defi… mais la, c’est une autre histoire…
0h22, reveil a 6h00, envol a midi. Au revoir.

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