1982. New Gold dream, ou le triomphe de Thatcher

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En 1982 sortent le single et l’album du groupe Simple Minds, New Gold Dream, un titre qui a été le premier grand succès et qui, si on le replace en contexte, sort à un moment charnière dans le basculement idéologique des années 80.

Ce billet est avant tout un billet d’économie, de ma série appelée « cycle » sur laquelle je recommence à travailler. Cette série d’articles est pour moi une sorte de joujou, dans laquelle je m’emploie à mettre en parallèle les cycles économiques et les grandes transformation de la culture au cours des 120 dernières années.

En 1982 sortent le single et l’album du groupe Simple Minds, New Gold Dream, un titre qui a été le premier grand succès et qui, si on le replace en contexte, sort à un moment charnière dans le basculement idéologique des années 80. La guerre des Malouines, la mort du militant irlandais Boby Sand ont confirmé Margaret Thatcher dans son rôle de Iron Lady. Seule l’économie semble lui résister, le Royaume semblant s’éterniser dans une récession profonde et d’une ampleur inconnue depuis des décennies.

Au sein du parti conservateur on commence à comploter et les critiques, voire les défections se multiplient. Au Labour, qui vient juste d’avaliser son programme le plus à gauche de toute son histoire, on se prépare à gagner les élection en ayant économisé le débat sur l’origine de la défaite de 1979, les raisons de la stagnation de l’économie britannique et surtout pourquoi une fraction non négligeable de l’électorat s’est laissée séduire par le Tory. Seuls quelques intellectuels, à gauche, prédisent pour le Labour des lendemains qui déchantent dans ce qu’ils pressentent être une guerre idéologique et sociale sans précédent. Parmi eux, Stuart Hall, prophète de mauvais augure qui depuis 1978 esquisse le portrait de ce qu’il définit comme un « populisme autoritaire » et qu’il nomme, le premier, « thatchérisme ». Mais qui veut écouter Hall quand Margaret Thatcher est si impopulaire…

Or, à la surprise générale, la voilà qui non seulement gagne les élections, mais la voilà qui les gagne en renforçant la majorité du Tory de plusieurs dizaines de sièges. Un véritable triomphe qui plonge les Labour dans une crise dont il ne sortira qu’avec l’accession de Tony Blair à la tête du parti… sur une ligne néo-thatchérienne, entendue comme une acceptation des principaux postulats de la révolution néo-libérale.

1982 est donc une année charnière car nous vivons encore sur les bases idéologiques de ce moment. Voici donc, illustrée d’un titre phare de cette année, et que j’aime au passage particulièrement, une remise en contexte de la naissance du thatchérisme, à ma façon.

Rappel, 1: ma façon de regarder et évaluer les cycles. Kondratiev.

J’ai toujours été en profond désaccord avec les économistes travaillant sur les cycles économiques « Kondratiev » (du nom d’un économiste russe ayant étudié les différentes phases d’expansion et de dépression du capitalisme et mort en 1938). La raison est que la plupart restent accrochés à un cadre très rigide basé sur les critères préétablis de prix ou d’investissement , et que par conséquent ils tendent à faire plier la réalité à leurs analyses.

De plus, on a récemment vu se développer la tendance libertarienne (ultralibérale et néoconservatrice US) de ces cycles afin de promouvoir l’or (les sites regorgent de publicités pour acheter de l’or).

On considère la durée d’un cycle à environ 50 ans, découpés en deux mouvements, l’un d’expansion, l’autre de dépression, chacun étant découpé en deux phases, une expansion nouvelle et un peu inattendue (« printemps »), une expansion solide et dominante (« été »), une dépression dont on ne perçoit pas les effets (« automne »), la dépression proprement dite (« hiver »).

Ainsi, la plupart d’entre eux regardent les années 70 comme la dernière phase, « l’hiver », d’un cycle commencé dans les années 40 et les années 80 comme le « printemps », bref l’amorce d’un nouveau cycle.

L’analogie des saisons leur permet de mettre en avant une similitude entre l’activité économique et la nature.

Si j’aime l’analogie avec les saisons, je ne suis pas du tout d’accord avec leurs résultats. Comme je l’ai écrit ailleurs, je persiste à croire que le début du cycle long d’expansion de l’après guerre a commencé avant-guerre, quelque part vers 1936-1937. Le booster économique « proto keynésien » du New Deal a d’abord bien entendu contrecarré les effets de la dépression, mais il a par la même occasion amorcé un certain nombre d’innovations qui ont porté la vague longue d’expansion économique suivant (j’écris proto car en réalité, l’équipe de Roosevelt ignorait tout du travail de Keynes pour la simple et bonne raison que Keynes s’était avant le crash intéressé au crédit, et ce n’est qu’à partir de 1931 qu’il commence la révision de son « traité du crédit » en un « traité de l’emploi »).

Regardez l’esthétique, la mode, le design, ces langages de l’époque, et reconnaissez dès 1936/37 les codes des vingts années suivantes.

Les période qui va de 1925 à 1935 est bel et bien un « hiver », il suffit de regarder les survivances de maquillages de la belle époque, leurs chapeaux, cette façon de faire du moderne « ultra-moderne » héritée du début du siècle. Il y a en réalité une très grande homogénéité esthétique entre les années 1900 et la fin des années 20. Le crash boursier vient balayer cette époque comme une grosse tempête d’hiver vient balayer les feuilles mortes, et le New Deal se révèle alors comme les forces de vie qui, au coeur même de l’hiver, préparent ces jeunes pousses qui ne tarderont pas à porter les fleurs, les fruits et les feuillages. Car contrairement à ce que pensent nos économistes qui visiblement n’ont jamais regardé un arbre, c’est bel et bien au coeur de l’hiver que nait le printemps,

Mars qui rit, malgré les averses, prépare en secret le printemps…

Rappel 2: ma façon de regarder et évaluer les cycles. Jugglar

Pour compléter cette introduction, il faut ajouter des cycles plus courts, ceux que l’on appelle « cycle des affaires », ou « Jugglar », toujours du nom d’un économiste. Ces cycles, ce sont ceux de maturité d’un produit phare qui alimente la croissance en permettant la croissance du commerce et l’expansion d’autres secteurs qui lui sont liés. Ces cycles ont une durée approximative de 8 ans, et comme les cycles longs de Kondratiev, ils sont composés d’une période d’expansion, puis d’une période de crise due à la surproduction du produit phare.

De l’origine du cycle des trente glorieuses

Si on se penche sur les années 1925/1940, j’aboutie ainsi au cycle long « hiver » de (approximativement) 1925 à 1936 puis à l’amorce du printemps dès les années 1937. Si vous regardez les films américains, si vous écoutez du jazz, si vous aimez la mode, la rupture esthétique est très nette et se situe vers 1936: il ne manque que Christian Dior aux américains pour être vraiment dans les années 50.

Ils ont déjà leur état providence, des politiques orientées vers le plein emploi, les grands chantiers autoroutiers de la civilisation de la voiture qui va transformer l’Amérique en une civilisation des banlieues avec leur Shopping Mall et la pelouse devant la maison dans des lotissements à perte de vue, le tout sous l’oeil bienveillant d’un état planificateur économique redistribuant les revenus à l’aide d’une fiscalité proportionnelle très élevée sur les hauts revenus, quelque chose qui durera jusqu’à l’élection de Reagan en 1980. Si ça ne fait pas un cycle long, ça…

Bien sur, il y a cette récession de 1937/38, qui fait dire à une majorité d’économistes que c’est seulement la guerre qui a sorti les USA de la crise.

Mon interprétation est assez différente. Pour moi, 1928/1932, c’est un jugglar de « crise », l’économie de spéculation boursière et de vente à crédit des années 20 était à bout de course et dès 1928 les ventes de logements reculent, dans les campagnes on ne parvient pas à payer les traites des crédits et la bourse ne monte plus que parce qu’on s’endette pour acheter des actions. L’économie entre en récession en 1930 et la dépression (baisse des prix, des profits e baisse de l’emploi qui entraient à leur tour une baisse des prix, des profits et de l’emploi) est auto alimentée à partir de 1931. Il semble que le seuil de stagnation et de stabilisation soit atteint en 1932.

Le New Deal est donc arrivé au moment parfait, et son succès en est la preuve. En 1934, la croissance économique dépasse 10%, 8% en 1935, 12% en 1936 et les prix recommencent à monter. La période 1936/1940 apparaît alors comme une « crise » dans le cycle court Jugglar, avec une récession en 1937, suivie en 1938 et 1939 d’une reprise avec 8% de croissance démontrant que structurellement les USA sont sortis de la crise.

Dire que c’est la guerre qui a sorti les USA de la crise me pose trois problèmes:

  • Les niveaux de production de 1929 sont retrouvés en 1938, et les USA ne rentrent en guerre que fin 1941.
  • Même si la guerre de 1914 avait précipité les USA sur la scène internationale, les années 20 avaient vu le retour de l’isolationnisme. Plutôt que voir la guerre comme la raison à la sortie de crise, j’y vois au contraire le résultat d’une société prêtes à le faire.
  • Il n’y a pas de récession après la guerre, au contraire.

En réalité, l’année 1940/1941 marque l’entrée dans un nouveau cycle court « Jugglar » reposant sur l’entrée de l’économie dans la guerre, avec comme caractéristique particulière que les USA n’en sont jamais sortis et que la guerre marque la société américaine et son économie jusqu’à nos jours.

Les USA, en 1930, auraient été incapables de cet effort, et le New Deal a dessiné les contours d’une société de consommation de masse sur laquelle le militarisme s’est greffé, à la différence du nazisme qui a réorganisé la société sur une base militariste, ou du soviétisme pour qui la guerre a offert l’opportunité de mobiliser la société autours de son développement industriel.

J’avoue, je parle assez peu de l’Europe car l’Europe démocratique a amorcé un déclin dès la première guerre mondiale et qu’elle a été incapable de se redéfinir dans les années 30, épousant dès l’après guerre les normes de développement définies aux USA avec le New Deal.

Si je développe tant autours de cette décennie pour vous parler d’un titre des années 80, si j’ai déjà écrit sur ce sujet, c’est parce que les années 30 ont posé les bases d’un nouvel âge du capitalisme, l’âge de l’état providence, de la fiscalité redistributrice, de l’investissement de l’état dans différents aspects de l’économie et du commerce, et que c’est au cours d’un « hiver » Kondratiev que ces bases ont été jetées. Pour tout vous dire, je suis persuadé qu’on ne peut réformer l’économie qu’au coeur d’un hiver…

Lors de la crise des subprimes, j’avais écrit dans ce blog ou pour minorités que non seulement la « crise » ne durerait pas, mais que très rapidement on referait des crédits dérivés et que même on entrerait dans un âge où on en ferait encore plus, et ça n’a pas loupé.

Ce n’est pas parce que je sais tout. En réalité, j’appliquais simplement ma propre lecture des cycles de Kondratiev.

Comme un lien sur ce site le rappelle (ce joujou abandonné depuis longtemps, mes « cycles »), je calcule la fin du cycle long d’expansion de la belle époque (amorcé vers 1890) en 1913, quand les deux économies dominantes européennes, le Royaume-Uni et la France, commencent à avoir de sérieux problèmes de surproduction d’acier, ce moteur de la croissance depuis les années 1880, et doivent faire face à deux économies émergentes, les USA et la Prusse, toutes deux produisant à bien moindre coût.

Et j’aime choisir 1913 tout simplement parce que cette année là, Paul Poiret « libère » définitivement les femmes du corset, et que c’est sur la ligne de vêtements qu’il créée à cette époque là que va se transformer le vêtement féminin jusqu’en 1924/25, date à laquelle il adopte globalement sa forme actuelle. Le cycle long précédent, c’est l’époque de la robe au contraire très corsetée bas, épaulée stricte et petit chapeau lors du printemps Kondratiev entre 1890 et 1900, et à grand chapeau et épaules adoucies avec une taille rehaussée pendant l’ « été » de la Belle époque.

La guerre, vue ainsi, n’est pas la cause du déclin des deux puissances, mais au contraire sa conséquence.

Si les économies entrent en crise en 1913, elles en sortent vers 1936/37.

Il y a d’abord l’automne, avec, malgré la guerre et la récession qui lui succède, toutes ces innovations de la Belle époque qui se diffusent enfin, la voiture, l’électricité, la radio, le disque, la production rationalisée (appelée généralement fordisme), le crédit à la consommation, la presse quotidienne populaire, l’aviation.

Et puis cet hiver dans lequel on entre vers 1925 sans trop s’en apercevoir, et qui gèle tout lors du crash de 1929. L’économie se fige, la guerre pointe, tout l’ordre ancien s’effondre. L’ourlet des jupes qui était remonté, remonté, remonté dans cet hivers des « années folles » jusqu’au dessous du genoux redescend à mi-mollet.

Le New Deal représente une incroyable volonté.

C’est faux, de le limiter à une opération de défense du capitalisme, car une autre voie s’offrait, et c’était le nazisme. Or, le New Deal est une revivification de la démocratie, certes accomplie dans le cadre du capitalisme, mais avec un dirigisme et une fiscalité qui lui ont valu très vite la haine des conservateurs et la nostalgie des progressistes. Le New Deal est arrivé au bon moment et il a été appliqué avec obstination malgré ses nombreux échecs.

Le printemps s’annonce donc en 1936/37 et il s’installe jusque vers 1950, et puis arrive l’été, tout de New Look vétu. Tous ces objets qui se sont répandus dans les années 20 dans les classes moyennes urbaines aisées sont maintenant diffusés à grande échelle, enrobés de Formica © et de toutes ces matières synthétiques produites à grande échelle grâce à l’essor des industries pétrochimiques.

L’onde longue de croissance dure jusque vers 1964. Cette année là, le couturier André Courrège redessine complètement la silhouette féminine et crée la mode de l’espace, pendant que partout dans les pays développés les ministres des finances observent quelque chose qui n’était pas prévu dans la « régulation keynésienne »: la poussée simultanée du chômage et de l’inflation.

Timide, certes, mais qui les conduit, au lieu d’envisager que le capitalisme va bientôt connaitre une nouvelle crise, à entreprendre ces politiques de « stop and go » (un plan de refroidissement avec des hausses d’impôts, un plan de relance avec une augmentation des dépenses publiques), totalement inefficaces. C’est, en réalité, l’automne qui s’annonce. Les dix à quinze années qui suivent vont voir le chômage dominer dans les économies avancées en même temps que monter l’inflation. Les profits des anciennes industries sont érodés, beaucoup de grandes entreprises disparaissent, dans l’automobile notamment, mais aussi dans l’industrie électronique de première génération, celle de l’électronique « à lampes ».

Les économistes sont souvent butés, ils ne voient que l’inflation apparente des années 70, quand en réalité les années 70 sont bel et bien des années de dépression, l’inflation n’étant alors que le moyen ultime de garder tant que possible les taux de profits, sans y parvenir car au cours des années d’expansion, le compromis social était un compromis social « social-démocrate », pas tant qu’il était réellement socialiste, mais disons que les élites avaient accepté un rôle important des syndicats, et le rôle des gouvernements était, en garantissant le plein emploi et une redistribution des richesses, de garantir un optima de consommation. Ce système rentre en crise. Et cette crise est antérieure au choc pétrolier, il est antérieur à la fin de la convertibilité du dollar, et la montée concomitante de l’inflation et du chômage est observée avant même le début de la guerre du Vietnam. En réalité, le choc pétrolier, la fin de la convertibilité et même la guerre du Vietnam sont des révélateurs d’une crise des économies avancées, à commencer par la plus avancée, l’économie américaine.

Tous les gouvernements des pays développés vont engager vers 1975 les dernières grandes relances keynésiennes à coup de dépenses publiques, de grands travaux, d’investissements, de contrôles des prix, d’augmentation des services de l’état dans le but de contrecarrer les effets du choc pétrolier et d’une crise aux effets de plus en plus visibles.

Le résultat sera très différent selon le degré de maturité des économies. Pour le Japon ou l’Allemagne, ce sera le début de leur domination sur les autres économies. Pour la France, ce sera très contrasté et rien n’empêchera le chômage de commencer à s’installer. Pour l’Angleterre, ce sera l’effondrement de pans entiers de l’économie malgré des nationalisation massives, incapables de contrecarrer des retards d’investissements de plus de 10 ans. Et ce sera le FMI qui, en 1976, apportera au gouvernement, par trois fois, les liquidités nécessaires, avec l’obligation de refroidir l’économie et couper certains budgets.

Dans un dernier élan de jeunesse, la jeune génération envoie tout valser, c’est le punk, et le slogan est sans appel « no future ».

La période 1975/79 marque l’entrée progressive dans l’hiver kondratievien (je suis donc en totale opposition avec la plupart des spécialistes de la question qui voient eux la fin de l’hiver…), mais dans un cycle des affaires Jugglar de reprise, porté par la télévision couleur « 110° autoconvergent » (les premières télévision couleur entièrement transistorisées consommant 4 fois moins qu’avant), l’arrivée des magnétoscopes, des camescopes, des mini-chaines, tous ces produits de l’âge électronique dominé par l’Allemagne et le Japon, mais aussi les automobiles économes en carburant.

Les économies replongent vite en 1979 après le deuxième choc pétrolier, et c’est au Royaume-Uni que la situation va être la pire, car le pays vient de voter pour un nouveau gouvernement dont le premier ministre, Margaret Thatcher, considère que toutes les politiques menées de 1945, même celles des conservateurs, sont « socialistes », et estime que c’est cette politique qui est responsable de la crise. Son « mentor », Keith Joseph, est un théoricien néo-conservateur inspiré par Haieck et Friedmann.

L’année 1980, au Royaume-Uni, c’est donc un Jugglar de crise, dans un pays fortement en crise, au coeur de l’hiver Kondratievien avec une politique totalement nouvelle, d’une brutalité inconnue. La musique de cette époque là est qualifiée de « cold », l’art qui se développe est un art des friches industrielles, d’ailleurs un courant de la cold s’appelle musique industrielle. Les économistes n’écoutent pas de musique.

L’hiver… Reagan et Thatcher, tous deux monétaristes, appliquent une idée simple, inappliquée depuis les années 30 et prescrite avec insistance par ses deux défenseurs Friedmann et Haieck: l’inflation, c’est quand il y a trop de monnaie, et que cet argent circule de la mauvaise manière en surabondance, permettant aux industries non rentables de survivre. Contrôler la quantité de monnaie permet de casser l’inflation, et de se débarrasser des industries non rentables. Pour cela le remède était simple: défendre la valeur de la monnaie et pousser les taux d’intérêt au delà de l’inflation, bien au delà.

Et il y eu un avant, et il y eu un après,

Rien de mieux que la culture pour en rendre compte. Disco en 1979, la musique se synthétise en l’espace de deux ans, le synthétiseur se débarrassant de ses allures « futuristes » encore en vogue jusqu’à la fin des années 70, la mode, les coupes de cheveux, le style, tout change. Nous entrons dans l’hiver kondratievien enrobés de certitudes keynésiennes, avec des rêves de bonheurs égalitaires, et nous nous réveillons effarés dans l’univers de la « destruction créatrice » de Shumpeter, Haieck et Friedman, avec des millions de chômeurs, des régions entières désindustrialisées, et des gouvernements qui assument cela avec une fermeté inimaginables quelques années auparavant.

Au coeur de cet hiver économique glacial fait d’une récession d’une ampleur inconnue depuis les années trente, où l’inflation à plus de 15% voire même 20% au Royaume-Uni cède la place à une baisse des prix et où le chômage triple pour atteindre près de 4 millions de personnes au UK quand il avoisinait « seulement » les 1 millions trois ans auparavant, et que les taux d’intérêts prohibitifs justifient des coupes budgétaires dans tous les budgets sociaux, une fracture de la société s’installe entre ceux qui sont frappés et ceux qui ne le sont pas et c’est cette fracture qui va être le ressort du nouveau consensus social qui s’installe alors.

La classe moyenne urbaine voit certes son niveau de vie stagner et va ici et là voter pour les démocrates ou le Labour dans des élections intermédiaires pour manifester ses incertitudes, mais quand à partir de 1982/ 1983 l’économie semble avoir touché le fond et que le « jugglar » se retourne, que les gouvernements néo-conservateurs vont passer à la deuxième phase, c’est à dire baisser les impôts des classes moyennes et des classes aisées selon la théorie du déversement de richesse, « trickle down economics », puis, pour boucler les budgets en déficit, quand ils vont commencer à opérer des privatisations de toutes ces sociétés rendues publiques dans le but de maitriser et réguler l’économie au sortir de la guerre, ces classes sociales vont se détacher du consensus social-démocrate d’après-guerre.

Ces gouvernements défont Roosevelt et Keynes.

Et « ca marche ». Les classes moyennes voient leurs revenus augmenter grâce aux baisses d’impôts, elles se remettent à consommer. Elles achètent les actions des sociétés privatisées, se tournent vers la bourse.

L’inflation terrassée, les taux d’intérêts baissent enfin, et la chute des prix de l’immobilier au temps de la récession 1979/ 1982 est une opportunité nouvelle d’investir dans la pierre: la première bulle immobilière commence. Enfin, les emprunts d’états émis à des taux faramineux, les emprunts de sociétés émis à des taux faramineux sont recherchés sur le marché financier, offrant le développement du premier très lucratif marché des junk bonds, ces emprunts émis par des sociétés quand les taux étaient très élevés et qui les étranglent en les menaçant de faillite et que l’on peut donc acheter pour une bouchée de pain en encaissant le jackpot si la société s’en sort.

La croissance repart et les gouvernements en profitent pour faire un premier nettoyage des « régulations inutiles » héritées de l’après guerre, celles qui ont permis 30 ans de croissance sans crise financière, pour « libérer l’initiative ».

En 1987, en octobre, après avoir atteint des records, les marchés financiers s’écroulent pour la première fois depuis 1929, c’est la fin de ce jugglar démarré en 1982/83, mais ce n’est pas la fin du libéralisme économique dont les politiques désormais se sont étendues à l’ensemble des économies avancées. Quand le cycle long Kondratiev se retourne, vers 1991/ 1992, nous entrons dans le monde nouveau où informatique, économie dérégulée et commerce internationalisé (Uruguay Round, 1992-1994) sont en place pour lancer cette onde longue de croissance économique qui dure jusque 2015/ 2016 et semble sur le point de se retourner maintenant.

New Gold Dream, 81 82 83 84.

Quel titre pour une chanson sortie en 1982 par un de ces groupes issu du télescopage culturel brouillon de l’effondrement économique du UK, Simple Minds, groupe incroyablement torturé d’abord (Real to Real, 1979), et qui s’impose en 1980 (I Travel) comme un groupe majeur de la pop avant de devenir avec New Gold Dream THE group pop grand public, bien plus encore que Dépêche Mode dont les pseudo-expérimentations ne satisfont ni les puristes ni le grand public.

Avec New Gold Dream, c’est toute la magie du thatchérisme qui semble se révéler, comme si finalement tout était joli, une mélodie gracieuse en suspension.

Une chanson planante au milieu de la dévastation néolibérale. Des looks, des attitudes libres dans les grands centres urbains où une contestation toute en fringue ne dure que le temps de trouver un emploi dans une société de courtage, où la liberté érigée en vertu centrale est avant tout la manifestation de son self, avec la participation de la publicité, du marketing et du story telling. Le groupe, d’ailleurs, ne tardera pas à s’avachir dans la soupe et dans le charity business.

Notre époque, quoi.

1982, Le triomphe de Margaret Thatcher. Un nouvel âge d’or…

New Gold Dream

New Gold Dream
She is the one in front of me, the siren and the ecstasy
New Gold Dream
Crashing beats and fantasy, setting sun in front of me
New Gold Dream

And the world goes hot
And the cities take
And the beat goes crashing
All along the way

She is your friend until the ocean breaks
And when you dream, dream in the dream with me
And when you dream, dream in the dream with me

81 – 82 – 83 – 84
81 – 82 – 83 – 84

New Gold Dream
Sun is set in front of me, worldwide on the widest screen
New Gold Dream
Burning bridge and ecstasy, crashing beats and fantasy
Dream in the dream with

And the world goes hot
And the cities take
And the beat goes crashing
All along the way

She is your friend until the ocean breaks
And when you dream, dream in the dream with me
And when you dream, dream in the dream with me

81 – 82 – 83 – 84
81 – 82 – 83 – 84

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