葛西, jeudi 28 fevrier 2008

La vue du bureau est exceptionnelle. Le soir, la couleur du couchant est magnifique. Ici, le MidTown.

Ca fait bien longtemps que je n’ai pas ecrit. Je n’en ai que plus de sympathie pour les soixantes et quelques lecteurs quotidiens qui visitent mon journal public et qui parfois en profitent pour visiter ici mon album photo, et la quelqu’ancien post. Cela fera 4 ans que je partage des pans entiers de ma vie. Avec le meme soucis que lors de la premiere journee. Etre honnete avec vous au sujet de ce que je ne raconte pas et au sujet de ce que je raconte, ne pas vous mentir, mais delimiter la delicate frontiere qui protege l’intimite de mes sentiments bref, ne pas rentrer entierement dans ma vie privee. Bref, me reserver le droit d’habiller pour rester dans le vrai. Contradictoire ? Je ne crois pas a l’auto-fiction, cette scorie pour middle classes des annees 90. Il y a plus de mensonges dans un deballage du moi que dans un roman de Madame de Scudery, ampoule, enrobe, invente. Car il y a ce que l’ecrivant n’ecrit pas, cache par le deballage du moi conquerant et envahissant. Des origines bourgeoises, par exemples, peuvent tres bien se retrouver maquillees dans le « cool » d’un moi debride et « sincere ». Du coup, le lecteur se retrouvera coince du cote des ringards s’il ose critiquer cette attitude cool et cette verite. Je me souviens de discussions au sujet de Dustan et Reimes, je me faisais traiter de reac, d’insensible a la douleur » -sic-(une fois, pas une espece d’intello post soixant’huitarde au discours d’assisatnce sociale…). Et au passage, il faut quand meme reconnaitre que les ecrivants en question, en matiere de
qualite litteraire, de recit et de vecu… Faire d’un seropositif qui passe son temps a danser, bouffer de l’extasy et se goder le nouveau heros des temps modernes, je doute tres tres fort, mais quand en plus le tout est arrose d’une philosophie de bazard, in-di-geste. Et que le type a l’arrivee devienne directeur de collection… On appelle cela roman, et on appelle ceux la romanciers.
Non, des ecrivants! Quand les classes moyennes n’ont plus rien a raconter, il leur reste le discours sur la forme, et l’aboutissement est cette exploration d’un faux soi. C’est comme la TV realite : on voit tout, mais en fait, chacun sait quand meme qu’il est observe.
Ecrire tous les jours ou en tout cas le plus frequement possible, raconter dans un blog ce qu’autrefois j’ecrivais dans mon journal releve d’un autre exercice. Je ne cherche ni la performance, ni l’effet de mode, ni a plaire, ni a choquer bref, j’ecris d’abord pour moi, puis pour mes amis avec la tres difficile contrainte de savoir que je suis lu. Pas facile…

Mes periodes de silence sont des periodes de fatigue. La fatigue d’ecrire est une terrible maladie quand on aime ecrire. Et figurez vous que ces derniers temps j’ai meme eprouve une fatigue d’ecouter de la musique… Je suis tres fatigue en dedans. Une fatigue qui revient de loin, je crois que c’est celle de ma mere. Je serais alors en ecrivant moi, Suppaiku, capable de liberer le pessimisme de cette femme qui a experimente les mauvais traitements infliges par ses parents puis la vie difficile d’une jeune campagnarde mariee a un Algerien (pas a cause de lui, mais de la societe) et enfin le chomage d’un mari victime des grandes restructurations des annees 70 avant que le dit mari ne developpe un cancer lie a sa profession (les delices de l’amiante). Ma mere. Mon pere. Il m’arrive de lire sur mon visage l’abattement de ma mere. Et c’est drole mais c’est quand je ris que je ressemble le plus a mon pere, son large front, la grande bouche du Kabyle… Les Kabyles me reconnaissent toujours.
Bref, que je sois fatigue d’ecrire, autant vous dire aussi vite que c’est pas la grande forme. Je me souviens chez ma psy, c’etait ce que je resumais pas « entre deux ». Entre mon pere et ma mere.
Il y a deux facons de considerer une situation intermediaire. En pensant « encore », ou en pensant « deja » ce qui, au gre des situations, s’avere pour l’un ou l’autre ou positif ou negatif. Si je devais donner mon impression toutefois, je balance vraiment entre les deux et il n’y a pas que du mauvais car par moment non cote
« pessimiste » m’invite a moderer mon impulsivite, a reflechir. Et mon cote « optimiste » m’aide a penser les solutions, les options.
C’est que ce n’est pas facile, etre au chomage au Japon, et maintenant interimaire. Et toujours seropositif sous traitement. Qui s’apprete a rentrer dans le systeme japonais qui ne couvre pas, comme le fait le systeme francais, a 100%…
Vous voulez savoir… je m’admire !


De l’autre cote, le Fuji. Un plaisir, travailler dans un tel endroit. Le reste, ben… c’est du travail !

Mais ne vous etonnez pas si ce que je vis en ce moment me fatigue, vous en avez l’explication. Si vous etes remonte dedans mon blog, vous deviez avoir compris que de toute facon, je me suis lance un sacre defi, en venant ici ! Ceux d’entre vous, lecteurs plus recents, vont donc decouvrir le tableau. Certain que je connais vont jaser, la nouvelle va certainement meme circuler, ou re-circuler. C’est ecrit depuis longtemps, bref, les jaseurs… Je suis fidele au petit garcon en moi, au post adolescent qui ecoutait du rock et militait : je batis ma vie, et ma vie est un choix. Mes heros d’enfance et de jeune adulte furent Leo Ferre, Sartre, Beauvoir, Louis XIV, Vivaldi autant vous dire, des individualites fortes, qui ont bati leur vie comme un choix, et meme comme une bagarre.
Je ne suis pas une victime. Je l’ai deja ecrit, Beauvoir a sauve ma vie au detour d’un ete. Je n’allais pas bien dans ma tete, je devais avoir vingt ans, son journal m’a sauve. Elle m’a fait visiter le Bresil, le Candonble, les batailles de l’apres guerre. Plus tard, continuer la lecture de son journal, lire Les Mandarins, c’est elle qui m’a conduit a Sartre, que j’avais un peu lu, mais « comme tout le monde ».
Je hais « tout le monde »
J’ai decouvert chez Sartre une authentique honnetete : se decrire a travers le personnage de Mathieu – un salaud, un lache, un intellectuel bavard et inconsistant dans l’Europe de l’entre-deux guerre – releve d’une lucidite qui nourrit toute mon admiration, au dela meme de l’oeuvre litteraire, philosophique, politique du personnage. C’est l’experience et les choix qu’il fait qui font l’Homme/ la Femme, et non des « prises de positions ». C’est pour cela que justement, on peut changer, changer parce qu’on s’est trompe, et que justement, parfois, on doit changer, changer si l’on veut rester honnete avec ce que l’on pense etre soi-meme
et la promesse que l’on s’est faite, « je suis libre de ma vie ». Sartre a change a plusieurs fois, mais il n’y a aucun reniement. Admirable.
Leo Ferre est un double de moi, que je ne suis pas et que je ne serai jamais. Il dit les mots que je voudrais dire et il les dit comme je voudrais les dire. Que dire d’autre ?
Vivaldi ? Sa musique exprime tout, je dis bien tout ce qu’il y a en moi. Tout. Mais pour apprecier Vivaldi et rentrer en moi il vous faudra des annees et des annees d’ecoute de ses milliers de concertos que l’on ne commence que depuis peu de temps a veritablement faire revivre. Vivaldi me raconte. Comme j’ecrivais a un ami il y a une semaine, « il m’ouvre le coeur tout grand ».
Louis XIV… Un heros d’enfance qui m’a rendu amoureux de l’Histoire. Ceux qui me connaissent le savent, je lui dois beaucoup, a ce « Heros », comme l’appellent les operas ecrits a sa gloire. La vie m’a amene a lui preferer Louis XV, mais… XIV! Pour XVI, absoluement rien! Oh, si, j’ai du liberer Marie-Antoinette des centaines de fois, dans mon enfance, mais bon… un truc de gosse, quoi ! Et vous ?

On a les heros qu’on peut. Les miens sont un peu lies au hazard. Ma mere avait longtemps achete Historia. Bien sur, Historia, c’et nul mais moi, ca m’a fait rever. La decouverte de l’Amerique, Louis XIV, la Revolution, les guerres de religions… C’est a cette epoque que j’ai appris a ne pas aimer Napoleon. J’ai depuis confirme mon aversion, au point de lui contester jusqu’a l’existence d’un style propre puisque le plus gros de ce qui fait le « style empire » est apparu dans les annees 1780. Avec moins d’or, c’est vrai…
Ferre… Que de souvenir en ecoutant Ferre. Avec des parents pauvres, en Seine Saint Denis, on ne respire pas beaucoup la culture. Les mots du poete me faisaient vraiment quelque chose. Et ses musiques… Quand a Vivaldi, il m’hebergeait quand j’etais seul en moi… Ca remonte a l’ecole primaire, on devait dessiner en ecoutant de la musique. C’etait les sempiternelles « saisons ». Je ne sais pas trop ce que j’ai dessine.

Dehors, un grand soleil, un ciel bleu pale et un horizon plus pale encore, une temperature relativement douce mais un vent puissant. C’est le temps aujourd’hui a Tokyo. Je vois tout ca de la Tour, de mon bureau.
Nous dominons la ville. J’ai repense au film Stupeur et Tremblement. La vue est differente, mais ca fait un peu le meme effet. Le soir, c’est vraiment extremement beau.
Le contact avec la ville, entendez un centre, me manque de plus en plus. Je suis las de devoir prendre le metro 40 minutes pour venir au travail et donc ne pas pouvoir vite rentrer chez moi pour ressortir. Et si a Paris, habiter en bordure, a Gambetta ou Menilmontant, permet de profiter de Paris, a Tokyo, habiter l’arrondissement d’Edogawa donne vaguement l’impression d’habiter a Bobigny… ou Bondy. Je connais bien, par la bas…
A Paris, ce que je goutais, c’etait les delices de la ville en velo. Les nuits d’ivresse, les jours de soleil, les dimanches apres-midi, aller ici ou aller la, bonjour Paris, me voila. En habitant aussi loin, j’ai un peu l’impression d’etre relegue. J’aime mon studio, pourtant, je m’y sens bien, en securite. C’est vraiment mon chez moi. Je donnerais beaucoup pour le demenager de quelques kilometres vers l’ouest, dans cette Shitamachi que j’aime visiter. Juste pour pouvoir, rentre chez moi, vite me changer et pouvoir si je le souhaite ressortir, prendre mon velo, et etre a moins d’une heure de tout… J’en suis encore bien loin, et mes espoirs du mois derniers se sont reveles etre ce que sont tous les espoirs : des illusions. J’ai tellement dechante, j’en ai tellement traverse, ces derniers mois, que comme chacun le fait en pareil cas, j’ai decolle quand j’ai senti le reel changer. Et c’est vrai que revenir a la finance, meme si cela n’est pas un reel choix, a represente ma seule sortie possible. Et la rapidite avec laquelle cela s’est fait m’a surpris. J’ai arrange ma situation, la banque m’a fait planer.
Je reste pourtant dans une situation tout ce qu’il y a de plus precaire : interimaire. Et pour etre franc, interimaire au Japon, ce n’est pas etre interimaire en France. Pas de prime de fin de contrat ni de conges payes, meme pas la securite sociale payee par l’employeur les deux premiers mois. Tiens, d’ailleurs, c’est sur ce sujet que je commence a me demander si Clinton n’est pas finalement mieux qu’Obama, parce que l’optionnel et volontaire… je commence a bien connaitre.

Qui dit allergie, dit masque ! Votre serviteur!

J’ai du faire un vrai boulot de chiotte pendant trois semaines, pour un salaire ridicule, moins que NOVA. Cependant, celui qui m’encadre, commence maintenant a changer de comportement, car bien entendu, il a bien fallu que je fasse des choses qui n’etaient pas prevues au milieu de mon « boulot de chiotte », et je les ai bien faites, et je les ai vite faites, et elles portent la marque d’un savoir faire evident, et elles m’ont permis au passage, en plaisantant, de dire que c’est du facile. Et c’est du mega facile. Comme il est deborde, ca l’aide. Pendant ce temps, une autre equipe a un interimaire pas sorti de la panade, et qui fait plein d’heures supplementaires, et donc il aura une super paie. Va comprendre… Il a raison, mais moi je taffe, et pas d’heures supplementaires.
Le contrat s’arrete dans un mois. J’ai passe un CV, on verra. J’ai bien peur d’etre trop ceci et pas assez cela, voila mon probleme. Cela etant, je suis bien conscient de ma valeur, professionelle, s’entend. Et comme j’ai du l’ecrire, j’ai une fichue chance avec cet ex-BNPP Tokyo qui travaille juste a cote de moi… Mon reve, ce serait… demenager avant l’ete, entre Kiba et Kayabacho… Ca veut dire bien des choses, en termes professionels, non ?
La musique me fatigue parfois, la lecture aussi, et meme les dorama.
Pourtant, avec Jun, nous regardons pas mal de videos. Films d’auteurs francais ou « grands publics », on y prend un certain plaisir. Remis d’attaque financierement, je pense retourner au cinema.

Je refais un peu de japonais.
Je dois un peu me forcer car au fond de moi, comme je l’ai dit, il y a une certaine fatigue, mais je retrouve aussi de l’energie.
NOVA, ca tuait l’energie.
Je retrouve le gout de faire des choses, cela revient par petites doses. Je regarde de nouveau les vetements en pensant que c’est aussi pour moi, j’ai envie d’ecouter de la musique que je ne connais pas. C’est une seve qui remonte et qui, pour tout vous dire, s’etait tarie avec NOVA. La fin de mon contrat arrive dans un mois, je ne vois qu’un changement a venir, mais il y a comme une dynamique qui se met en place. Je retourne a la gym… J’ai aussi recu les papiers pour les salaires impayes de l’an dernier…

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