Le Blog de Suppaiku, journal bloggué de Madjid Ben Chikh, à Tokyo.

Premieres sensations d’hiver…


Hier soir, en sortant de l’école, un très très vague crachin et un vent frais m’ont pour la première fois évoqué l’arrivée de l’hiver. 16 degrés, affichait mon application météo. Cela peut vous sembler très élevé, en France, mais ici, cela faisait longtemps. Pour tout dire, gravé au fond de ma mémoire, comme si c’était hier, l’emprunte du froid sur mon mort, et ce même crachin, dans l’heure qui a suivi le séisme. Jusqu’à quand vais-je encore avoir cette sensation de proximité avec la catastrophe. Je crois qu’on n’oublie pas, qu’on ne peut pas oublier, et qu’on vit avec jusqu’à la fin de ses jours. Comment font donc pour vivre, pour survivre, celles et ceux qui, après la peur du séisme, ont perdu quelqu’un dont le corps, balayé par l’horreur du tsunami auquel il ont pu réchapper, est à jamais parti quelque part, sans sépulture. Et Dieu sait combien au Japon la sépulture est importante, combien la mort est ritualisée, septième jour, premier mois, première année, troisième année, septième année enfin où l’âme peut enfin trouver le repos.

Peut être avez vous vu Le voyage de Chihiro, le dessin animé de Miyazahi. Cette créature vécue de noir, avec son masque blanc, et qui se met à tout dévorer pour plaire à Sen. Une âme seule oubliée, et qui n’a pu ainsi trouver le repos car personne n’a pris soin de se souvenir d’elle et ainsi de l’apaiser. Quand j’y pense, j’éprouve vraiment de la peine pour les gens qui ont vécu cet enchaînement de catastrophes car rien pour eux ne sera comme avant : je ressens moi-même la même chose, pour eux, ce doit être terrible
Et donc ainsi, alors que j’ai ressorti mon gilet, que je portais hier le même pantalon que le 11 mars, la froideur qui s’installe le soir à rouvert ma mémoire sur une plaie encore très mal cicatrisée, bien que pourtant elle ne soit pas si profonde dans mon cas.
Je n’avais jamais bien imaginé ce qu’était un séisme avant. J’imaginais la sensation de secousses, un grand mouvement, un peu ce que la télévision ici nous montre dans les feuilletons et téléfilms. Mais c’est assez différent. C’est même très différent. Les Japonais, friands d’onomatopées, attribuent au séisme majeur l’onomatopée « gata gata ». Je peux vous assurer que c’est exactement ça! D’ailleurs, depuis, il y a des secousses mais, aucune ne faisant « gata gata », j’y suis assez indifférent, bien que certaines soient précédées d’un « baa », preuve s’il en est que quelque chose continue de bouger vraiment en profondeur, et que de la tension doit être libérée, ce qui est assez différent de ces ondulations habituelles qui révèlent plus des réaménagements des différentes plaques et sous plaques.
Très curieusement, je me suis assez bien habitué aux problèmes de radiations. Je n’ai pas d’enfants, j’ai 46 ans et je n’étais pas à Tôkyô quand le nuage nous a survolé bref, je ne me sens pas spécialement en danger. Je surveille l’origine des produits que je mange. J’ai ainsi acheté du riz produit l’an dernier dans la région de Nagano, une grande quantité. Non seulement Nagano n’a quasiment pas reçu de contamination, mais surtout, le riz produit l’an dernier n’est pas contaminé. Lors de mon séjour à Kyôto, en décembre, j’achèterai du riz. Kyôto a été remarquablement épargnée, et c’est là, justement, que je me suis réfugié en mars

En photo aujourd’hui, une photographie d’une devanture d’un magasin de saké dans le département de Ibaraki, à Nikkô. J’aimerais beaucoup y retourner. La promenade avec Jun l’an dernier avait été superbe. Le soleil était de la partie et ces forêts sont incroyablement reposantes. Hélas, Ibaraki à été fortement contaminé. Pas des niveaux mortels, loin de là. Juste assez pour créer du doute. On a retrouvé des traces de Strontium vers Shizuoka, à 350 kilomètres de Fukushima, alors imaginez, à Nikkô, à moins de 150 kilomètres…

Promenade avec Jun à Kamakura il y a deux semaines. Temps couvert le matin mais bien ensoleillé l’après-midi, c’était vraiment reposant. Au Kenchôji, nous avons découvert une magnifique porte restaurée et ressenti la splendeur du règne des Tokugawa. En revanche, le typhon incroyablement violent à la fin du mois de septembre a charrié un air marin chargé de sel qui a brûlé les feuilles des arbres. Nous avons regardé ces feuilles brunies, fanées, et nous avons bien compris que cette année les érables ne rougiront pas : beaucoup ont dors et déjà perdu leur fragile feuillage.
Le midi, nous nous sommes régalés d’anguille, cela faisait longtemps. Je vous conseille vraiment le magasin sur le grand boulevard central, à côté du marchand de bois : l’anguille est tendre, presque fondante, l’odeur de tare (la sauce, ici assez épaisse, faite de sauce de soja, de bouillon dashi, de mirin, de saké, de sucre, longuement cuisinée et devenue épaisse, dont on recouvre les filets d’anguille avant de les griller au charbon de bois) se répand alentour, vous ne pouvez pas manquer ce restaurant.
L’après-midi, nous sommes allés du côté de chez Hara Setsuko, à l’est de la ville.

Je ne m’explique pas bien pourquoi, je continue d’avoir de nouveaux étudiants en Français. J’ai aussi été recontacté par une ancienne étudiante qui avait déménagé en février et avait donc arrêté de venir à l’école, elle m’avait donc demandé mon email, elle veut maintenant que je lui donne des cours particuliers. Je crois que je suis un bon professeur. En fait, certains étudiants visitent plusieurs écoles avant de revenir chez nous. Je soutiens la comparaison. C’est flatteur.
Cependant, si vous aviez quelque chose à me proposer, plus central… J’aimerais bien, aussi, avoir mon école à moi. Mon école serait totalement différente de tout ce qui se fait en enseignement du français à Tokyô. Vraiment. Si vous avez des capitaux à investir…

François Hollande, ce sera donc François Hollande…

J’ai reçu l’adaptateur Olympus OM pour mon Pen : je peux donc utiliser d’anciens objectifs. J’ai essayé, j’avoue, le piqué du 50 mm est incroyable. 50 mm sur un micro4/3 est équivalent à un 100 mm et comme, de plus, il ouvre à 1,8, cela en fait un objectif parfait pour le portrait en intérieur. Mon autre objectif est un 28 MM. (donc équivalent à 56 mm), il ouvre à 2,8 et il est donc globalement l’équivalent d’un grand angle idéal en extérieur. Il me reste donc à tester ces objectifs en condition.

Bien. Il est deux heures, je suis à l’école et ma première leçon commence à 14 heures 30.
De Tôkyô,

Madjid

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