God save blogging

La palme revient quand même toujours au sites libertariens, ultra-libéraux (proches des idées de Ron Paul aux USA), qui annoncent un effondrement économique imminent (ils n’ont pas tort, j’avoue…) et sont truffés de publicités pour acheter de l’or, acheter des livres survivalistes auto-édités et des bibliographies de Hayek.

C’est un fait avéré, nous passons toutes et tous de plus en plus de temps à sillonner les réseaux sociaux, à piocher de l’info, à en picorer, plutôt, passant de l’une à l’autre sans même la prioriser, sans même l’analyser, une information elle-même choisie et pré-mâchée par ces mêmes réseaux sociaux ou plutôt leurs algorithmes. Adam Custis en a analysé le fonctionnement de façon très synthétique dans son dernier documentaire Hyper-normalisation.

De l’autre côté de l’internet, le blogging a quitté l’âge enfantin, quand tout le monde avait un blog, un âge qui a vite débouché sur un cimetière de blogs qui heureusement s’est progressivement vidé au fur et à mesure des restructurations de plateformes de blogs. Je dis tans mieux, car la plupart de ces blogs ne comprenaient qu’une dizaine d’articles à tout casser et dans le meilleur des cas, avec le sempiternel « j’ai mon blog » pour commencer, puis « aujourd’hui j’ai fait ça », puis deux semaines plus tard le « vous m’avez manqué » et un mois plus tard, en toute fatigue un quelconque article. Rares étaient les blogs qui dépassaient ce stade. En matière de blogging, il faut bien avouer, la sélection naturelle a été implacable. J’ai dis tant mieux, et en même tant, comme toute nouveauté, cette liberté était rafraichissante, amusante.

Le second âge du blogging, c’est celui dans lequel nous sommes, et il se résumerait à l’âge du clic. Les bloggers sont désormais vloggers, ils ont leur chaine YouTube, on peut les suivre sur Snapchat et Instagram, ils font des lives et leurs vidéos sont truffées de visuels disponibles directement sur les applications, smiley, bruits en tout genre, animations et même quasi-génériques pro. L’une des dernières tendances est la rencontre d’un ou d’une vlogger avec un ou une autre vlogger.

Le vlogging et la communication Instagram ont leur code, comme le désormais célèbre instamake, ce maquillage de type Nabila que les filles se tartinent pour pouvoir être « sexy » et « cute ».

J’appelle cet âge l’âge du clic car ce qu’aucun ni aucune de ces bloggers ne vous dira, c’est que YouTube rémunère assez bien cette activité, et que des cabinets conseils suivent de près ces « influenceurs » afin de les recruter. Beaucoup de blogs sont ainsi désormais truffés de publicité, et qu’ils parlent du dernier maquillage L’Oréal, d’une expérience professionnelle pour Emirates (au moins 200.000 clics assurés et plus si vous faites la vidéo « comment entrer chez Emirates », « comment se maquiller Emirates », « pourquoi j’ai quitté Emirates », « ma vie chez Emirates », « tout ce que les hôtesses ne disent jamais »), de l’effondrement imminent du système financier avec date précise à la clé ou d’une conspiration mêlant les Franc-maçons, les Illuminati et les Annunaki, tous sont truffés de publicité directe ou masquée.

La palme revient quand même toujours au sites libertariens, ultra-libéraux (proches des idées de Ron Paul aux USA), qui annoncent un effondrement économique imminent (ils n’ont pas tort, j’avoue…) et sont truffés de publicités pour acheter de l’or, acheter des livres survivalistes auto-édités et des bibliographies de Hayek.

Les phrases clés de tous ces blogs, de tous ces vlogs, c’est « qu’en pensez-vous », « votre opinion compte », « faites entendre votre voix », vous préférez le rouge ou le turquoise », « ne vous laissez pas influencer, exprimez dans les commentaires votre vraie opinion », « abonnez-vous à ma chaîne pour ne pas manquer de nouvelles informations », etc

Tous, je dis bien tous ces sites et toutes ces chaînes reviennent toujours sur ce leitmotiv, suivez-moi, cliquez, cliquez, cliquez, partagez, partagez, partagez, commentez, commentez, le tout emballé du beau discours de l’indépendance, des confessions, de la « vraie » vérité.

100.000 vues, sur Youtube, c’est 100 dollars, et certaines de ces vidéos atteignent le million, sans compter le nombre de personnes qui suivent ces bloggers-vloggers et voient passer les notifications bref, une véritable aubaine pour d’autres sponsors qui apparaissent dans les vidéos sous forme de « j’ai trouvé ce nouveau rouge à lèvre, il est super sympa, qu’est-ce que vous en pensez », et on laissera les vidéospectateurices se bagarrer dans les commentaires, ce qui comptera, c’est in-fine que l’on sache bien de quelle marque il s’agit, en ayant pris soin au passage de laisser un commentaire en réponse sur le côté « super cool, on dirait une crème hydratante » qui, n’en doutons pas, sera liké 107 fois et disliké tout autant, mais bon, comme disait Balzac, ce qui compte c’est que 204 personnes auront donné leur avis… Et hop, je suis sûr que notre vlogger recevra une trousse complète.

L’âge du clic. C’est certainement pour cela que toute la Kpop est disponible gratuitement sur YouTube. Ça permet la diffusion à l’échelle planétaire en créant un effet de mode, et puis les vidéos peuvent être vues et revues, on arrive souvent à plus de 10 millions de vues, ça fait une jolie culbute, non (allez jeter un coup d’oeil à cette vidéo de BTS pour voir combien de vues on peut faire sur YouTube sans vendre un seul disque, jolie culbute)? Sans compter que ces producteurs doivent avoir des contrats avec YouTube en tant que producteurs, justement, et doivent donc recevoir bien plus que les 100 dollars pour 100.000 vues des pauv’filles à Instamake. C’est valable également pour des labels comme Rotana, « LE » label de la soupe commerciale du monde arabe dirigé par un des milliardaires ayant du verser plusieurs dizaines de milliards de dollars afin d’être libérés par leur cousin le prince héritier d’Arabie Saoudite.

L’âge du clic finira pourtant par arriver à sa fin, un peu comme nous sentons bien que nous arrivons à la fin du cycle Facebook. Je ne veut pas dire par là que Facebook va disparaître ou qu’il n’y aura plus de « faux blogs » partagés sur Facebook et Twitter. Non. Mais je suis persuadé que nous arrivons à l’âge de maturité du blog et du Vlog, et que c’est dans l’intérêt même des diffuseurs eux-même qui désormais se trouvent dans la position d’éditeurs et de diffuseurs mondiaux. Et s’ils veulent éviter la lassitude…

Regardez la télévision. Il y a 15-20 ans, qui aurait parié un centime sur la renaissance de la télévision par l’internet, on avait le sentiment que nous sombrerions dans la médiocrité des Loft et autre Star Academy, et c’est vrai que nous avons sombré dedans tout comme nous allons continuer de plonger dans les bassines de mascara et de fond de teint Instamake en étouffant sous les tonnes de lingots d’or libertariens.

Et pourtant, c’est dans ce contexte qu’a émergé l’alternative, à savoir la renaissance de la télévision par l’internet au travers de séries télévisées d’une qualité inégalée jusqu’alors, avec de vrais acteurs et de vraies actrices, de vrais scénaristes et même quand les budgets sont limités, une intrigue suffisamment bien construite pour nous tenir en haleine comme quand on lit un bon roman. (liste de liens totalement mis au hasard et non représentatifs, il en faudrait beaucoup plus!)

Le blog va connaitre exactement le même destin, et ma certitude tient en une phrase que je lis de plus en plus souvent sur Facebook, « marre de Facebook ». En fait, les réseaux sociaux ont provoqué exactement la même addiction que la télévision, une majorité de leurs utilisateurices (moi-même finalement) se sont mis.es à en attendre tout, au point de les enfermer dans une véritable bulle. Vous me direz, il n’est pas besoin d’aller sur les réseaux sociaux pour être enfermés dans une bulle, le voisinage et le milieu du travail suffisent largement pour créer une réalité déformée, mais il est clair que les réseaux sociaux amplifient cette tendance en repliant les individus sur une exacte reproduction de leurs goûts, de leurs préférences, avec des « ami.e.s » qui leur ressemblent, le tout savamment orchestré par ces algorithmes dans lesquels le mari de Brigitte croit dur comme fer pour « faire entrer la France dans le 21ème siècle »…

L’internet basique et solitaire, ou basique et de communauté, cet internet simple va retrouver son sens dans les années qui viennent parce que le règne des « influenceurs » va toucher à sa fin: on n’a pas besoin d’eux ni d’elles, iels ont juste été un moment, ce moment où un marché se crée, et ils s’y sont engouffrés, et ils ont eu bien raison, mais depuis que l’on voit tous ces tutoriels pour « réussir à gagner de l’argent » sur le net, il est clair que l’âge d’or est révolu, et qu’à l’innocence des débuts va succéder le professionnalisme.

Et puis, les réseaux sociaux vont vite devoir répondre à la cruelle question de leur contenu, parce qu’il est peu probable que des photos de chats, des filles surmaquillées et des théories sur le complot des banques centrales puissent continuer à intéresser leur monde année après année.

C’est là qu’apparait la fenêtre de tir d’un renouveau du blog. Le blog est un média à part entière quand jusqu’ici il a été principalement regardé comme un « contenu » par ses promoteurs. Et depuis les années 2000, c’est un outil qui a incroyablement évolué, extrêmement souple, polyvalent, et qui a littéralement tué les sites internets en les mutant. Regardez ce site, c’est un site, et c’est un blog, la frontière a été cassée. Le blog est un média, et il offre l’incroyable opportunité pour son propriétaire (eh oui, il est appartient bien à ses auteurs) d’en être à la fois l’auteur, l’hôte, l’artisan et le maître à la fois, non pas le maître qui domine les autre, mais celui qui en maîtrise les règles, celles qu’il s’est lui-même imposées.

Le blog est un univers encore très peu exploré en matière de possibilité. Il est trop souvent limité quand il est à lui-seul un média-social en réseau.

De plus, depuis quelques années sont apparus ces nouveaux outils qui permettent d’agréger des flux de façon simple, autrement plus simples qu’il y a une dizaine d’années, permettant à chacun de se composer son propre flux d’actualités à lire exactement comme on lit Facebook, mais sans la pollution. J’ai commencé à tester Cappuccino (je ne suis pas payé pour écrire cela, rassurez-vous).

Jamais je ne vous demanderai de commenter, ni de partager, ni même d’aimer. Parce que ce n’est pas la relation que j’entends établir avec vous. J’aime que vous commentiez, que vous partagiez, que vous aimiez, parce que c’est un encouragement à continuer, à travailler. Non pas travailler pour gagner des produits de beauté, mais à « me » travailler, c’est à dire à explorer l’horizon infini de possibilités qu’un blog me donne. Un blog, c’est pour écrire, sur tout, de tout, comme je le veux, quand je veux, de la façon que je veux, et pour qui je le veux, c’est aussi pour partager de la musique, juste pour la partager, mais aussi pour écrire à son sujet, évoquer une mémoire, un souvenir, une histoire, ou bien rêver, imaginer, partager un film, partager une photo, une photo que j’ai prise, raconter pourquoi, comment, où, ou bien ne rien raconter du tout, partager une vidéo que j’ai faite, en la racontant ou en ne racontant rien du tout, partager un dessin, raconter une histoire à son sujet, ou bien utiliser ce dessin comme prétexte ou comme illustration, un blog, c’est parler d’Allah si j’en ai envie, c’est raconter l’amour ou la peur aussi, c’est plonger dans l’intime, c’est aussi crier des indignations politique et regarder de nouveaux horizons, un blog, c’est inviter un ou une ami.e à écrire, à raconter ou partager.

Un blog peut alors devenir en soi le support d’une oeuvre à part entière partagée en temps réel, plus besoin d’éditeur, plus besoin d’autre support, je suis moi-même mon propre support, il est le canal et le récipient de l’ambition, il est en soi l’ambition de faire dans une multiplicité de directions qui ne s’opposent plus mais au contraire s’harmonisent, il est ce « polygone étoilé » de Kateb Yacine.

Et je crois que l’avenir est au blog. Il y a eu le temps des « pépites », qui a révélé des célébrités éphémères du net. Voici venu le temps du blog de longue haleine, comme genre à part entière, inclassable dans aucune des catégories qui ont précédé. Ni livre, ni journal, ni catalogue, mais média à part entière né de l’infini liberté que l’internet permet, et qui disparaitra avec l’internet. Un genre profond, foisonnant et rayonnant, riche et infini, le véritable reflet de ce que l’humain est capable de faire sans les entraves des réseaux, des éditeurs et des promoteurs.

Bon, voilà. Je viens enfin de redéfinir ici le programme de ce blog.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *