Z’en avez pas marre, de lyncher Houria?

Houria est une camarade, et les membres du PIR sont mes camarades. Tout comme celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec le PIR mais qui ne lynchent pas, analysent et respectent, militent. Houria et les membres du PIR pourraient être des amis, ils sont mes sœurs et mes frères, et qui sait, tout comme d’autres. Mais les lyncheurs ne sont ni des camarades, ni des amis. C’est juste des socialistes sans partis, tout juste bons à émarger les postes, les subventions ou à se préparer à, comme j’en ai vu tellement.
Militer, ça commence par le respect.

Marc Seb Sun a partagé sur son mur une citation de Houria Bouteldja, bien coupée où il faut, (« Le mariage pour tous ne concerne que les homos blancs. Quand on est pauvre, précaire et victime de discrimination, c’est la solidarité communautaire qui compte. L’individu compose parce qu’il y a d’autres priorités. ») coupée de son contexte et assortie d’un commentaire laissant suggérer que Houria Bouteldja serait homophobe.
La suite de l’échange FB en est allé des spécialistes en dégommage du PIR d’exprimer leur étonnement, leur surprise, histoire de déblatérer à leur aise. Certain.e.s autres ont exprimé un réel étonnement, voire de la surprise. J’ai donc réagi car je n’accepterai jamais les mœurs actuelles de la délation et de l’invective, inaugurées au PS à partir de 1985 avec l’importation de cette pratique courante à l’UNEF-ID au moment où le parti faisait adhérer Julien Dray et sa clique, Cambadélis et sa clique, Alain Bauer et son sbire Manuel Valls, pratique tenant lieu de nos jours d’expression soi-disant politique mais n’étant qu’une sorte de glaire petite bourgeoise pas contente et que l’on rote quand il s’agit de prouver que l’on est de tel ou tel camp, ce qui peut être utile quand on veut être subventionné, nommé, promu par le même régime qui couvre les bavures policières avec le même zèle qu’il a hier défendu les électrocutions, la prison ou la castration chimique contre les homosexuel.le.s, pratiques qui en France étaient légalement envisageables jusqu’en 1981.

Voici les trois réponses que j’ai commises. Attention, j’étais très en colère. Et personnellement, je n’ai pas honte de parler de la vie gay telle qu’elle est, et non avec le strass et les paillettes que le consensus libéral, véritable nouveau placard du gay « intégré post moderne », vend sur les chaines de télévisions.

Ma première réponse. « La citation est coupée du contexte du texte auquel elle appartient. Elle (Houria, N.d.R) exprime ici la question de comprendre pourquoi les jeunes racisés se sont peu impliqués dans le débat du mariage pour tous, dans un sens (pour) ou dans l’autre (contre). On peut juger la réponse un peu simpliste mais ce n’est pas une réponse homophobe et il y a quelque chose de vrai. Combien de jeunes homosexuel.le.s ne participent ni à la Gay Pride, ni aux manifestations où la visibilité homosexuelle est réelle pour ne pas être vus des autres, et par autres, c’est d’abord et avant tout les parents, et quand on gratte pour savoir pourquoi, plus que de se bagarrer, il y a l’idée de « décevoir », de « faire mal ». Et ça, c’est exactement ce qu’elle dit.

Personnellement, et à titre purement individuel, j’ai toujours été out au lycée et parmi mes amis, je suis out au travail. Et j’allais au lycée dans le 93, et c’était il y a 35 ans! Eh bien, je ne l’ai pas dit à mes parents, parce que « je pouvais pas », et ce n’était pas parce que j’avais peur d’une baston, c’était pas envie de leur faire mal parce que je savais qu’ils ne pigeraient pas. Peut être aujourd’hui j’agirais différemment mais tout tête brûlé que j’étais au dehors, en famille, il y avait un truc spécial. Pas envie de « rajouter ça » à tout le reste.

Je pense que (le documentaliste, NdR) Juan Gélas qui a fait une ébauche de documentaire sur le groupe Amal auquel j’appartenais il y a 20 ans pourra confirmer que chez les racisés, il y a des solidarités qu’on ne veut pas briser, qu’on a peur de remettre en cause. Et c’est exactement ce qu’elle dit.

Et quand on prend le temps de lire ce qu’écrit Houria, dans le cas des homosexuel.le.s comme dans le cas du viol où ses propos sont aussi caricaturés, ce qu’elle dit est que c’est uniquement si l’étreinte raciste qui enferme les racisés se relâche que pourront s’exprimer les autres identités. On peut être d’accord ou pas, c’est une question de point de vue, mais ce n’est pas du tout homophobe que de penser cela. Là où elle touche juste toutefois, c’est que la visibilité homo/racisé.e.s ça touche pour avant tout celles et ceux qui sont allés en universités, et que pour les autres, celles et ceux qui doivent composer au quotidien, c’est beaucoup plus dur, et ça l’est exactement pour la raison qu’elle évoque.

Pour finir, juste pour parler de Amal. J’avais proposé qu’on sorte de Paris et qu’on aille tracter en banlieue. Je m’étais essuyé un refus unanime de tous les autres. Et quand j’avais gratté, c’était bien l’idée que leur homosexualité était quelque chose à vivre « en dehors », parce qu’ils ne voulaient pas couper les autres liens, les solidarités dont parle Houria. Je pense que Juan pourra le confirmer là dessus.

Houria n’est pas homophobe. Elle dresse des constats et des priorités politiques. On peut être pour ou contre, discuter, mais c’est absolument contre productif de réduire des positions politiques comme ça. »

En réponse à un commentaire de Juan, qui je le précise est quelqu’un que je respecte et que je connais personnellement, et qui disait que la situation de la difficulté à s’affirmer est la même pour les jeunes blancs.
« Juan, je suis d’accord, mais tu admettras au vue des statistiques concernant les bavures policières, les recrutements (7 fois moins de chance à diplôme égal) que la comparaison entre les blancs et les racisé.e.s n’est pas pertinente. Avoir le cran de tenir face au groupe quand le groupe, la cité, les copains, la familles, est le seul truc qui structure ta vie, et qu’en face, dans les bars et les boites tu n’es que de la jeune chair qui finit par noyer la solitude des rencontres sans lendemains dans l’alcool et la drogue, tu admettras que c’est ultra risqué. C’était ça, que mes camarades de Amal ressentait et les conduisait à taire, en effet. Si t’as plus tes amis et que tu te retrouves la queue à l’air à 4 heures du matin en sortant du backroom du Dépôt et que d’un seul coup t’as un éclair de lucidité, avoue que c’est plus dur pour les uns que pour les autres. »

Et puis il y a eu l’avalanche moralisatrice anti-Houria, notamment de la part de militants occupant des postes de pouvoir très valorisante, bien rémunérée. Là, j’ai vraiment été en colère. À noter que ma critique du PS vaut pour LREM puisque ce parti en a accueilli des transfuges.
« J’ai milité au PS trois ans dans la deuxième moitié des années 80 (je précise ici, j’étais rocardien pour des raison, disons, « décoloniales », même si ça faisait sourire les tanches qui grattaient chez Mitterrand, Fabius et Julien Dray), j’ai écrit ma première contribution de congrès en 1987 et j’ai inclus la question du droit des homos, eh ben je n’ai pas souvenir d’avoir vu toutes les honteuses défendre mon texte, même si depuis ça se pavane outé depuis le début des années 2000 en donnant des leçons. Je balance les noms?

J’ai quitté le PS écœuré, usé en 88, comme pas mal de monde. J’ai refait un saut en 93, ma section avait été déserté par tous les adhérents et surtout par les bureaucrates. Cette grosse merde homophobe de Tony Dreyfus, qui s’était moqué de moi en 88 quand j’avais évoqué l’urgence du partenariat au moment de l’épidémie de SIDA, le ponte de l’appareil lui même, avait laissé tombé et n’était plus candidat. Il n’y avait plus que 5 militants. L’un d’eux, homo outé, ancien CÉdétiste et militant contre la guerre d’Algérie, pro-palestinien, rocardien bien sûr, s’est retrouvé candidat. J’ai fait sa campagne, le programme a été fait sur un coin de table (le PS n’avait aucun programme), on a fait un très beau score. Dans le programme, le partenariat. On était les seuls (avec Bloche dans le onzième, je l’admets) à avoir cette proposition. La Madec, la Delanoë, à cette époque grands hétérosexuels devant l’éternel et leur grande copine Danielle Hoffmann, non. On a fait un fait un super score, une vraie surprise, ça les a bluffés. Alors, ce salopard de Dreyfus est revenu avec ses bureaucrates et a repris la section en trois mois, épaulé par une non-outée qui a fait une jolie carrière de dauphin de Dreyfus, puis de député maire de l’arrondissement. J’ai quitté quatre mois après y avoir remis les pieds. Entre temps, Rocard avait putché le parti dont personne ne voulait, j’ai eu le temps de signer ma contribution et je pense avoir été le premier à réclamer texto le mariage sur toute la fédération. J’ai évoqué le sujet avec les nouveaux bureaucrates homo du PS, ils me disaient que c’était une idée de bourgeois et que le partenariat civil suffisait. Le seul mec que j’ai convaincu du mariage à cette époque, c’est un militant historique d’ACT UP, croisé en 1995. À cette époque, c’était une idée de fou, le mariage. Pour moi, elle était essentiel. Quand j’en vois qu’ils font la leçon à Houria, permettez, je balance des noms, si ça vous chante.

J’ai refait un dernier tour au PS en 1995, le dernier, je confesse. J’avais repris mes études à La Sorbonne, et je connaissais suffisamment de monde pour savoir qu’on le laisserait créer ma section et faire ce que je voulais. La section Montesquieu a adopté le principe de la totale égalité des droits en 1996, en même temps que la pénalisation des différences de salaires entre hommes et femmes ou le droit de vote des étrangers dans un premier temps au niveau local et dans la perpective d’un droit de vote intégral des étrangers comme le suggéraient les débats de l’année 1989 (que vous ne connaissez pas, anyway) qui envisageaient la déconnection de la nationalité et de la citoyenneté.ma section était une section d’intello ET de militants, ce qui m’a valu beaucoup d’inimitiés of course, on a émis une motion de section quand Jospin a plié face à Chevènement dans la non régularisation des étrangers. J’ai définitivement quitté le PS en 1998, et en 2002, j’ai voté, of course, pour Taubira, pour des raisons évidentes (allez, au pif, la reconnaissance de la traite négrière).

De ces quelques passages, ce que j’ai remarqué, c’est que celles et ceux qui avaient poussé les droits des homosexuel.le.s n’étaient pas très souvent les mêmes que celles et ceux qui se sont retrouvés dans la carrière. Parce que partout j’ai croisé l’homophobie de nos pontes et l’invisibilité des autres. La totale ignorance du VIH au moment de l’épidémie. Le coming out de Delanoë m’a révolté car ce mec s’était aplati toute sa vie devant l’appareil (je balance des noms d’autres planqués donneurs de leçon sur demande). Delanoë n’a jamais signé un seul texte pour le droit des homos et encore moins au sujet du VIH. Voir toute cette clique aujourd’hui faire dans la morale vis à vis de Houria me révolte.

La seule alternative pour les plus jeunes, c’est soit le placard en banlieue, parce que révéler sa sexualité aux autres, c’est perdre des solidarités essentielles quand on a pas de travail, quand on se prend les contrôles aux faciès ou qu’on n’est que de la chaire fraîche pour les blancs qui les reluquent jeunes avant de les jeter quand ils sont plus vieux. Ou soit l’intégration blanche, quitter le quartier, aller à Paris, se bodybuilder, faire un peu de chems et du sexe dans capotes.

On parle quand, de comment on se sociabilise, en tant qu’homosexuels, du culte du corps, du culte de la conformité aux canons de la beauté définie par les magazines gays qui ne proposent que des fringue et un mode de vie qui globalement ne concerne que les blancs, de cette façon de nous jeter après avoir baiser, et de la difficulté à gérer le fait d’être noir (et donc être regardé comme un mec avec une queue de 60 centimètres), d’être arabe (et donc une caillera, je raconte des histoires sur demande, vas-y defonce moi la tête, une fois, où le mec qui planque son portefeuille, etc), d’être asiatique (« j’aime pas les asiatiques », petite quéquette, efféminés, etc), les vannes du style « celle-là elle a une gueule à se faire sauter par les arabes à Barbés », etc Ils réagissent comment, les jeunes types qui font face à ça? Ils vont sacrifier leurs copains d’école pour « s’intégrer » à ça?

Pour ce qui est, enfin, de comment les homosexuels sont regardés dans les quartiers, de l’homophobie de certains jeunes, commençons à nous interroger sur l’espèce de monstruosité appelée milieux gay, avec ses morts par overdose de produits chimiques, ses contaminations au VIH, le tout dans le silence assourdissant de certains de ceux qui se prétendent des activistes et qui ne sont que des donneurs de leçons payés par l’état pour aboutir à ce bilan, incapables pour la plupart au passage d’assurer une visibilité homosexuelle pro-palestinienne, contre les bavures policières, etc »

Dernière réponse à un bref commentaire à celui qui précède au sujet du PS.
« S’il n’y avait que le PS… ça ratissait large, les homos qui pigeaient pas. Pour moi, ma conviction date de 1989. J’ai bossé un an dans un CFA de coiffure. 90% de filles. Et quelques mecs globalement tous pédés. C’était le pic de l’épidémie SIDA. Les filles n’arrêtaient pas de parler mariage, mecs. Un CFA, c’est pas la classe moyenne, c’est le prolétariat. Il y avait beaucoup de jeunes des cités. Et un jour j’ai pensé que s’ils sont entourés de filles qui parlent mariage, pourquoi les homos dans un CFA ne pourraient pas rêver de se marier. J’ai tout de suite assumé le caractère petit bourgeois du truc, mais comme une revendication révolutionnaire. À savoir que les prols ont des rêves de petits bourgeois, et que je hais les gens qui veulent éduquer le prolétariat. Je ne dis pas que la vie de prolo est une belle vie, mais c’est une vie respectable, et ce sont de petites choses qui lui donnent sa dignité. Pour moi, ça a toujours été un truc plus global, le mariage, ça va avec le respect de soi. Je dois avoir un vieux fond communiste ou des bribes d’éducation religieuse, mais pour moi c’est important, se respecter. Rien que penser qu’il y a des noirs qui cherchent du taf et qui n’en trouvent pas et qui se disent même une seule fois « et si j’étais blancs, ce serait mieux », ça me flanque la haine, parce que ce n’est pas la peau qui est le problème, ce n’est pas le type, ou l’accent ou je ne sais pas, c’est la société qui est déglinguée et qui conduit des individus, des groupes à se haïr. Personnellement, j’étais out à 14 ans, mais les petites frappes de la cité m’ont toujours respecté parce qu’ils savaient que je les respectais.

Bref, quand je vois que le mariage est devenu une sorte de frontière indépassable, un moyen d’acheter les homos dans le consensus libéral et raciste, puisque les accusations d’homophobie sont permanentes et que le lynchage de Houria Bouteldja l’entretient bien, ça me met vraiment en colère. Parce que jamais je n’ai lu ni sur son visage, ni dans ses textes, la délectation vicieuse de Tony Dreyfus à évoquer la tontine, avec le petit sourire en coin tellement ça sonne tante, comme seule réponse quand j’évoquais l’urgence à adopter une loi de partenariat en pleine épidémie de VIH, ni les courbettes des Rémy Féreau (hop, un nom) and co pour accepter de bosser avec des enflures pareilles afin de monter dans l’appareil. Les mêmes qui après s’être cachés durant des années reprochent au PIR d’être homophobe. La même chose valait dans l’extrême gauche où une fois j’ai eu accès à des documents internes de la LCR et c’était pas joli du tout. Idem au PCF où les homos étaient tous au placard.

Autrefois, on critiquait les camarades. Mais on les respectait. Le PS a répandu l’habitude du lynchage d’avec qui on est pas d’accord, et voir cette pratique chez des critiques zélés du Péhess m’énerve au plus au point.

Quand je vois qu’on en est, en France, à la constitution de milices d’extrême-droite, que certains passent à l’acte et que YouTube est infesté d’appel au meurtre des musulmans, quand je vois que le discours général est à l’islamophobie, les priorités de certain.e.s me laissent sans voix.

Houria est une camarade, et les membres du PIR sont mes camarades. Tout comme celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec le PIR mais qui ne lynchent pas, analysent et respectent, militent. Houria et les membres du PIR pourraient être des amis, ils sont mes sœurs et mes frères, et qui sait, tout comme d’autres. Mais les lyncheurs ne sont ni des camarades, ni des amis. C’est juste des socialistes sans partis, tout juste bons à émarger les postes, les subventions ou à se préparer à, comme j’en ai vu tellement.

Militer, ça commence par le respect. »

J’ai conclu là dessus. Il y a une réelle malhonnêteté à désigner un bouc émissaire en tronquant une citation maintes fois ressassée. C’est tellement facile, ça fait de la mousse à chaque fois, ça aide à se faire bien voir du pouvoir, mais ça ne va pas plus loin. Dans les cités, ces discours n’entreront jamais mais ils pénètrent dans les cercles blancs, parfois hostiles à ces mêmes esprits critiques, où ils fournissent les arguments qui demain permettront de mettre en place un Donald Trump à la française, juste aboutissement de ce type de curée.

Je salue Houria, Youssef et Mehdi ainsi que les autres camarades du PIR, parti auquel « l’islamo-rocardien » (笑) converti à l’effondrement global que je suis n’appartient pas, trouvent ici l’assurance de ma plus sincère solidarité et de mon amitié, car quand la camaraderie politique se trouve à ce point maltraitée, il nous reste ces marques d’amitié que les frères et soeurs de lutte, aux parcours et aux histoires si variées, s’échangent comme ils peuvent quand vient l’adversité. Amitié.


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