RÉINVENTER LA FRANCE (DEUXIÈME PARTIE)

La description de Paris par Fox New a beaucoup fait rire et Anne Hidalgo menace même de porter plainte, mais il faut quand même les excuser, ils n’ont eu qu’à lire ce qui se dit en France pour croire qu’il y en avait réellement, en France, des No go zone…

1988. The Bangles, Eternal flame. Les années 80 avaient été des années de luttes entre une vision pessimiste, égoïste et guerrière, celle de Reagan et Thatcher. Avec la fin de la guerre froide et l’entrée en recession des USA et du UK, une utopie a émergé, celle de reprendre l’histoire là où elle semblait s’être arrêtée, juste avant la guerre du Vietnam, le Power Flower… Nous avons alors commencé à croire que cette fois-ci, tout serait possible. Cette chanson a, comme tout le reste, été torpillée quelque part du côté de Bagdad…

Suite de la première partie (ici)

La pensée multiculturelle n’était en réalité à cette époque qu’à l’état d’ébauche, on parlait d’ailleurs de « pluri-culturalisme », elle se construisait au gré des expériences vécues et exprimées à travers la culture ou luttes politiques. La société était dans son ensemble majoritairement ouverte à cette approche à l’exception de la réaction.

Peu théorisée, vague idée dans l’air du temps sans être encore une revendication politique, le pluri-culturalisme n’a pas pu résister à l’enchaînement des événements quand le Front National s’est retrouvé placé de fait au centre de la vie politique.

Tout au plus a-t-elle pu fournir au dernier grand mouvement résolument communautaire la base idéologique et théorique (en partie trouvée aux USA où les minority studies se développaient): ACT-UP, dernière organisation issue de la société civile, organisée sur son propre agenda pour imposer la reconnaissance de l’urgence à agir, à mobiliser les moyens et à revoir intégralement la relation entre la société, les malades et le corps médical, pur produit d’une approche communautaire dont le « mariage pour tous » constitue le testament ultime.
ACT UP liait question sexuelle, question ethnique (la situation des migrants qu’une communication « blanche » et en français tenait à l’écart, la situation en Afrique sub-saharienne) et question sociale (la précarité sociale comme facteur aggravant de l’épidémie) pour comprendre et agir tout en se rapprochant d’autres associations agissant au sein de divers communautés (migrants, prostitués, toxicomanes, etc).
Cette approche, réfutée (Alain Finkelkraut, « comment peut on militer contre une maladie », France-Culture, 1992) au nom de la lutte contre le communautarisme, offre l’exemple victorieux de la lutte d’une communauté particulière, regroupée autours du principal groupe touché par l’épidémie de VIH, les homosexuels, et dont la lutte a finalement bénéficié à la société toute entière puisqu’on lui doit, entre autres, la loi Kouchner sur les relations entre médecins et malades ainsi qu’une reconnaissance de la responsabilité de l’état dans l’affaire du sang contaminé en même temps qu’une implication des malades dans l’évaluation des traitements.
Seule l’urgence de la situation mais aussi le fait qu’elle frappait des jeunes gens, pour la plupart blancs et éduqués, a permis à ACT UP de passer au travers de l’offensive conservatrice.
Les populations issues de l’immigration post-coloniale n’ont pas eu cette « chance » et l’assignation à rester dans les marges en attendant patiemment que la république veuille bien s’occuper d’eux s’est rapidement imposée.

L’« affaire du foulard islamique »

En 1989, la médiatisation de trois jeunes filles voulant se rendre à l’école avec un foulard a fournis un premier prétexte pour mobiliser les tenants de la république autoritaire, tous nourris des craintes et des arguments d’Alain Finkelkraut (la main de l’Iran) ou Jean-Claude Milner (l’école sanctuaire).
Il faut bien avouer que cette question a pris tout le monde de court, révélant toute l’ambiguïté et la réelle faiblesse d’une pensée pluri-culturelle nourrie d’une vision linéaire et d’un modèle unique de la notion de progrès. En effet, pour beaucoup de gens de ma génération, le foulard était un signe du passé. Nous n’avions jamais envisagé qu’il pourrait être une marque d’affirmation de l’individu.

Or, dans les années 80, l’affirmation des identités individuelles et communautaires est devenue très forte. Et je l’affirme clairement, en tant que « liberal », au sens américain du terme: c’est un progrès.

Les homosexuels par exemple. Kiki, clone, marincuir, les looks fleurissaient et révélaient l’émergence de l’individualisme post-moderne qu’avait analysé Gilles Lipovetski. Ainsi la « culture beur », avec des groupes comme Carte de Séjour qui mariaient indifféremment la langue française et l’arabe maghrébin, le succès d’artistes africains concouraient de l’émergence d’une culture de l’expérimentation, le propre de la démocratie, tout ce qu’Alain Finkelkraut dénonçait avec dégoût comme une défaite de « la grande culture », sans S et avec un grand C. On comprend l’amitié qui le lie dans cette vision élitaire à l’islamophobe Renaud Camus, qu’il défendit lorsque ce dernier parla d’une domination des juifs sur France-Culture.

Il était évident que nous finirions par avoir des jeunes filles revendiquant le droit de porter le foulard comme un droit à exprimer une personnalité, une identité exactement comme l’avait analysé Gilles Lipovetski.
Ce qui nous paraît évident aujourd’hui ne l’était pas en 1989 et le milieu associatif « anti-raciste » avait à ce moment là d’autres chats à fouetter, j’y reviendrai.

La république autoritaire et avec elle la vieille gauche, la FEN, notamment, ont fini par amplifier les protestations « laïques » avec la même ignorance crasse et le même vocabulaire que lors du déclenchement des guerres d’indépendances dans les années 50.
Le colonialisme et la reconnaissance de l’égalité des civilisations, des cultures, n’ont jamais été un fort d’une vieille gauche (je renvoie le lecteur à ce qui s’est nommé deuxième gauche en opposition à la vieille gauche) ayant toujours fait l’impasse sur ces sujets, regardant même le colonialisme comme une œuvre généreuse destinée à donner aux peuples colonisés l’accès à la haute culture et au progrès social…

Cette affaire a tenu l’opinion en haleine une vingtaine de jours et a fourni le prétexte de faire un lien entre la république islamique d’Iran et le foulard, une main de l’étranger, reprenant les arguments d’Alain Finkelkraut. En bon disciple de son mentor Guy Mollet, Pierre Mauroy s’y était essayé en 1983 lors d’une grève chez Citroën mais avec bien moins de succès. Un thème qui de nos jours est devenu incroyablement banal, reconnaissons-le.

Si la France avait eu à ce moment là un tissu associatif des jeunes issus de l’immigration post-coloniale, autonome et fédéré autours de ses propres objectifs, un peu comme finalement ACT UP a pu le faire au début des années 90 pour le VIH, la tonalité du débat eut pu être changée.
Ce mouvement aurait lui-même été traversé de courants, de divisions mais il aurait pu être uni sur l’essentiel, à savoir qu’on n’exclu pas des jeunes filles de l’école pour une histoire de foulard, car l’école est précisément le lieu où s’élabore la personnalité et l’apprentissage du choix, une vision qui unit autant les musulmans que les non-musulmans. Une intermédiation de la société civile par, et pour la société civile.
Or, le milieu associatif a brillé par son absence, livrant cette question aux hommes politique, avec toute leur incompétence et leur souci de ne pas froisser ces « français de souche » qui avaient commencé à faire entendre leur refus d’une France Pluri-culturelle et métissée en votant Front National.

La vampirisation du mouvement associatif: SOS Racisme

La marche pour l’égalité de 1983 avait totalement changé la donne à gauche au même moment où le Front National avait fait son apparition lors d’élections partielles, allié à une droite radicalisée à Dreux et Aulnay-sous-Bois. La droite avait en effet décidé dès 1981 d’attaquer le « laxisme socialiste » en matière d’immigration et d’insécurité, attaquant en particulier la légalisation de plus de 110.000 clandestins lors de l’amnistie socialiste de 1981 et veillant à ce que la proposition instaurant le droit de vote des étrangers aux élections locales ne voit jamais le jour.
En 1983, le gouvernement socialiste avait infléchit sa politique économique car si la France avait tenté une politique keynésienne, Margaret Thatcher et Ronald Reagan avaient inauguré au même moment dérégulations, privatisations et baisses d’impôts, provoquant un exode de capitaux. Cet infléchissement avait désemparé une partie de l’électorat car il était assorti de restructurations industrielle, entraînant une hausse importante du chômage et la désindustrialisation de régions entières.
La contre-offensive au sein du gouvernement fut la loi sur l’école sensée remobiliser les troupes militantes mais qui se solda, un peu à l’image du mariage pour tous, par une mobilisation de toutes les droites, avec culminer en juin 1984 la marche pour l’école libre rassemblant un million de personnes, une semaine avant une bérézina socialiste lors des élections européennes de juin 1984, des élections qui virent une percée du FN à 11%. Le choc fut rude.

Laurent Fabius, alors âgé de 37 ans, remplaça un Pierre Mauroy usé, le texte sur l’école fut retiré. Le but de ce replâtrage était de tenir jusqu’aux élections de 1986 en tentant de conserver toutes les réformes entreprises durant les trois premières années.

La communication fut donc mise au service de cette stratégie. Jacques Séguéla et Jacques Attali, l’un brillant publicitaire et l’autre esprit vif, sentirent bien que les mobilisations anti-racistes offraient à la gauche ce qui lui manquait en changeant les termes du débat et en marginalisant une droite empêtrée dans un FN qu’elle avait utilisé pour réussir sa « reconquête » et « mettre fin à l’expérience socialiste ».

Le Parti Socialiste, au même moment, était en proie à des divisions cruelles: les proches de Laurent Fabius passèrent une alliance avec d’anciens membres de la LCR passés au PS après un rapprochement au sein de l’UNEF-ID, parmi lesquels Julien Dray et « Harlem Désir ». Mission leur fut confiée de créer une structure sur le thème de l’anti-racisme.
Et c’est ainsi que dotés des crédits illimités de la caisse noire de Matignon et des conseils en communication de Jacques Séguéla, SOS Racisme récupéra la seconde marche pour l’égalité en inondant ses participants à l’arrivée de la petite main « Touche pas à mon pote ». L’association, bien coachée et dotée du carnet d’adresse de ses parrains, devint la coqueluche du tout Paris journalistique, faisant passer au second plan les organisateurs de la marche qui avaient pourtant travaillé des années pour que naisse, s’exprime et se mobilise un tissu associatif militant et indépendant.

En 1985, de nombreux militants d’associations des jeunes issus de l’immigration post-coloniale se rapprochèrent de SOS Racisme dont le but était que ces associations deviennent des antennes locales. Le tissu associatif ne s’en est jamais remis.
Des militants se divisèrent sur cet agenda, c’est à dire l’agenda de SOS Racisme, et au delà l’agenda du Parti Socialiste. À des mobilisations pour améliorer leur quartier, les relations avec les habitants, à des ateliers d’alphabétisation des mères, à des groupes destinés à encadrer les plus jeunes, succéda une lutte fratricide pour savoir s’il fallait rejoindre SOS Racisme, s’il fallait coller des affiches pour les socialistes aux élections de 1986. Les associations se vidèrent. SOS avait gagné, l’association avait désormais le monopole de la parole anti-raciste.
Lors des mouvements étudiants de 1986, c’est une militante de SOS, estampillée apolitique mais pourtant membre du PS, Isabelle Thomas, qui devint la passionaria médiatique. Elle a fait depuis la carrière politique que l’on sait, tout comme Julien Dray, Malek Boutih, Florence Rossignol, Harlem Désir, Fodé Silla…
Sur les ruines de leur tremplin ministériel, rien n’a subsisté. C’est cela qu’il faut avoir en tête pour comprendre l’intransigeance jalouse de groupes qui, comme le Parti des Indigènes de la République, veillent à garder leur indépendance. Chat échaudé craint l’eau froide.

Quand donc « l’affaire du foulard » a éclaté, il ne restait plus que SOS Racisme et le MRAP, la télévision privilégiant SOS Racisme, plus « jeune ». Autant dire qu’au niveau local, c’est à dire là où des médiations auraient été nécessaires pour calmer la situation, il ne restait plus rien.

Mais comme je l’ai dit dans la première partie de ce texte, un souffle d’optimisme régnait. Au Top 50, le mélange prenait, et puis il y avait Rachid Arhab pour présenter le journal d’Antenne 2 à 13:00 et même parfois à 20:00. Nous étions assez nombreux à croire naïvement que le chemin serait long mais que nous y étions bien engagés.

La guerre du Golfe et l’échec de l’antiracisme

La catastrophe est arrivée sans crier gare. Le 2 août 1990, alors qu’il faisait incroyablement chaud sur Paris, nous avons appris le matin que l’Irak venait d’envahir le Koweït.
Très rapidement, on s’est mis à entendre parler de guerre, Jean Baudrillard a écrit son désormais célèbre « la guerre n’aura pas lieu » pour tenter de décrypter le nouvel âge de la guerre, à distance, télécommandée et télévisée après filtrage militaire, une sorte de guerre invisible.

Premier « dommage collatéral » en France, Rachid Arhab a été écarté du journal de Treize heures. La direction de la chaîne a pris la décision pour « éviter les problèmes ».
L’éviction de Rachid Arhab est le symbole patent de l’échec d’un anti-racisme qui ferait l’impasse sur la question raciale. Non pas pour les reconnaître, mais au contraire pour en démonter la construction idéologique légitimant le genre de racisme institutionnel dont Rachid Arhab a été victime.

La même année, Joelle Ursull chantait à l’Eurovision sur un texte de Serge Gainsbourg que « qu’importe la couleur de peau, tous égaux ». L’éviction d’un journaliste français renvoyé à ses origines algériennes apportait un démenti cinglant qui révélait, de fait, toute la niaiserie de l’antiracisme de l’époque SOS Racisme. Un antiracisme défini et délimité à l’agenda du groupe dominant.

Avec la guerre du Golfe s’est imposée la crainte d’actes terroristes. La peur de l’étranger à gagné du terrain. La France a oublié la promesse qu’elle s’était faite en 1988 quand, effrayée, elle avait vu Le Pen prendre la troisième position à l’élection présidentielle, avec plus de 15%. Une promesse maintes fois répétées depuis et dont la grande marche du 15 janvier 2015 a offert une énième version.
Si j’avais à choisir un symbole pour décrire le gâchis culturel qu’a représenté cette guerre, au delà de la guerre elle-même, je choisirai Les amants du Pont-neuf, film sublime de Léos Carax, encore aujourd’hui le film le plus cher de toute l’histoire du cinéma français, ultime témoignage de ce que la France de l’époque de ces quelques années espérait, ambitionnait pour elle même dans un optimisme lucide – il s’agit avant tout de l’histoire d’un SDF.

François Mitterrand a sacrifié la France et jusqu’à sa propre héritage politique (legacy) dans cette guerre. Il s’est détournée d’une Europe encore fragile, son domaine pourtant, où l’histoire s’accélérait.
Il ambitionnait, fort de la croissance économique retrouvée, de l’optimisme qui régnait, de sa bonne entente avec Michael Gorbatchev autours de l’idée d’une grande confédération, de la position hégémonique de l’idée française en Europe, d’égaler les USA et d’être à même d’imposer, après la guerre, un agenda aux USA, un agenda dont la question palestinienne serait le cœur. Il s’y employait en utilisant son prestige au sein de l’Internationale Socialiste où il avait au passage imposé Pierre Mauroy à la présidence. Les accords d’Oslo sont avant tout un travail de l’IS et ils portent la marque des ambitions mitterrandiennes.

Malheureusement pour lui, cette ambition était aussi une marque de démagogie. Et l’économie capitaliste n’est pas un objet inerte et prévisible, malléable à volonté entre les mains d’un chef d’état.
La guerre et la peur des attentats ont précipité la France dans la récession en stoppant net la croissance économique. À l’optimisme a succédé la morosité. Le chômage qui avait finalement fortement baissé à un niveau inférieur à 1981 a recommencé à s’envoler. À partir de 1991, la presse financière internationale a commencé à sortir des « affaires », le prestige a laissé la place à la fin de règne.
Pour les jeunes, cette période a été un basculement quasi-instantané dans la morosité, le doute. Les manifestations contre la guerre ont remplacé l’optimisme européen, un réalisme sombre à commencé à s’installer.

Une chanson de Stephane Eisher

… racontant un couple en crise est devenue la chanson la plus écoutée, trouvant dans son refrain, Déjeuner en paix, mais également dans les paroles, « est-ce que rien ne va bien, est-ce que tout va si mal, l’homme est un animal, me dit-elle… plus rien ne la surprend, de la nature humaine », un écho surprenant à ce que nous ressentions alors, un immense gâchis. Notre rêve d’une Europe fraternelle et d’une France Pluri-culturelle sont allés se fracasser dans les sables du désert du Golfe, il n’en sont jamais revenus.

Il faudrait également évoquer l’éclatement d’une guerre de tranchée au sein du Parti Socialiste. Lionel Jospin, ministre de l’éducation et allié du premier ministre Michel Rocard, était en guerre avec Laurent Fabius.
À l’automne 1990, juste avant le déclenchement de la guerre du Golfe, Laurent Fabius lança dans les pattes du gouvernement une grève lycéenne avec l’aide du syndicat lycéen, la FIDL, tenue par SOS Racisme. Lors d’une manifestation des lycéens, des scènes de violence eurent lieu et des actes de vandalisme furent commis à Montparnasse. Les images, très fortement médiatisées dans ce contexte de guerre, choquèrent l’opinion et la figure des « jeunes immigrés de banlieue » à cagoule fit son apparition. La FIDL se désolidarisa de ces jeunes, établissant une distinction entre les bons jeunes et les autres.
La figure du casseur dépouilleur de banlieue était née, et les jeunes du Sound System du boulevard Beaumarchais en ont été les victimes comme beaucoup d’autres par la suite, lors des grèves du CIP, du CPE et jusqu’au Kärscher de Sarkosy ou aux victimes de bavures policières à répétition.

Un total changement dans le discours dominant. Le rap désormais présenté à la télévision comme un phénomène culturel dangereux. Les journalistes ont même commencé à faire une distinction entre le bon rap et le mauvais, non pas en fonction de qualités musicales mais concernant la question du langage et de la violence exprimés (en oubliant de fait la longue tradition de chants révolutionnaires français, Trust, les têtes au bout d’une pique…)

Enfin, c’est de l’autre côté de la Méditerranée qu’est venu le coup de grâce. L’Algérie a sombré dans la guerre civile. Cette guerre a permis aux néo-conservateurs de justifier et d’illustrer leurs craintes.
Le détournement de l’Airbus d’Air France en 1994, puis les attentats de Saint-Michel et des Champs-Elysées ont été utilisés comme la preuve tangible d’une menace islamiste extérieure trouvant un terreau favorable en France au sein même « des banlieues » et des « zones de non-droits », ces « territoires perdus de la république » où règnent « tournantes » et « caches d’armes » etc etc
La description de Paris par Fox New a beaucoup fait rire et Anne Hidalgo menace même de porter plainte, mais il faut quand même les excuser, ils n’ont eu qu’à lire ce qui se dit en France pour croire qu’il y en avait réellement, en France, des No go zone…

Alors que jamais la réalité d’une France métissée n’a été aussi évidente, la république autoritaire s’impose de plus en plus idéologiquement comme la seule alternative au chaos, au terrorisme.
La république autoritaire, qu’elle soit défendue par Alain Soral, Éric Zemmour, Alain Finkelkraut, Caroline Fourest, Michel Onfray, Banania, Marine Le Pen, Nicolas Sarkosy ou Manuel Valls, construite sur des paranoïas différentes mais se rejoignant toujours sur le constat d’une France assiégée menacée par le communautarisme et que seul un « sursaut républicain » pourrait sauver, est le visage nouveau de la réaction, du parti de l’ordre dont elle reprend, au delà des divergences et des paranoïas de ses promoteurs, le même leitmotiv, à savoir une méfiance totale dans la société à régler ses propres affaires. De la démocratie. Une cruelle ironie, à une époque où règne la loi de la jungle économique et la confiance dans un marché qui a produit, en France, nos six millions de chômeurs.

Les actes terroristes ont été commis par des français. Certains, au crime, ont mêlé l’infamie du meurtre racial, anti-juif. À une société qui essentialise les musulmans en les renvoyant à leur origine (Rachid Arhab, difficulté à trouver un logement, discours islamophobe…), ils ont répondu par une essentialisation.
La tâche, pour chacun de ses crimes, aurait du être de reconnaître leur appartenance à la France, tout difficile que cela puisse être. La tâche devrait être reconnaître Banania le comique troupier comme membre de la communauté nationale. La tâche devrait être de se lever contre l’abjection d’une proposition de déchéance de nationalité pour les terroristes d’origine étrangère faite par l’UMP et jugée discutable par un premier secrétaire du parti socialiste qui ravale la morale à la possession d’un faux diplôme, et finalement avalisée par le Conseil Constitutionnel, véritable boite de Pandore puisque désormais on admet que la nationalité peut être retirée à certains en fonctions de leur origine.
Même si cela fait mal, et pour tout dire, même et surtout si cela fait mal.
On ne peut pas exiger des musulmans qu’ils reconnaissent que ces crimes ont été commis par des musulmans en dédouanant la France de toute responsabilité.

Oui, ces tueurs sont musulmans. Mais rappelons le aussi clairement: ils sont français.

Fin de la deuxième partie, à suivre / première partie (ici)


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