Parlez-moi d’moi, y’a qu’ça qui m’intéreeeeeseu…

Comme je l’écrivais à l’instant à mon ami Alain,
« Ben écoute, je pète la forme.
Après un long temps de réfléxion, j’ai décidé de ne pas me porter candidat à un travail en Grande Bretagne. Ce serait tentant, il y a des besoins. J’ai en revanche décidé de me réinscrire en DULCO de japonais et de le réussir, de reprendre mon analyse, cette fois en l’orientant vraiment sur la psychanalyse, de déménager même si cela va être difficile pour les raisons que tu sais (conjoncture, prix, etc). (…) Je regarde les abonnements divers de spectacles, cinéma, etc…
En revanche, je pense que je vais prendre l’habitude d’aller à Londres plus souvent (un peu comme en ce moment), et de peut être aussi tester d’autres capitales Européennes. C’est désormais très abordable.
Partir travailler à Londres, c’est à mon avis le meilleurs moyen d’échapper à des obligations. C’est facile (il y a du taf, c’est bien payé), mais est-ce que je veux vraiment de cette vie là, finalement centrée autours du travail ? Je souhaite reprendre le japonais et à Londres cela sera impossible. Mon vrai « défi » cette année, cela va donc être de déménager, trouver une coloc sur Paris, par exemple… On verra.
Je renonce à beaucoup sur le court terme, mais je pense faire un bon choix sur le long terme.
Ici, temps de début juillet, en orages et chaleur moite.
Et toi, alors ? Comment va ? J’ai été étonné de recevoir ton avis d’absence la semaine dernière.
Je te (re)confirme que j’arrive la semaine prochaine, mercredi vers 18h50. »
Fin de message.
Fin de semaine sympa, avec forte remonté des températures et idées de plus en plus claires, évidentes. J’ai téléchargé pas mal de matériel pour la 2ème année de DULCO, ma décision a été naturelle, et elle a entrainé beaucoup d’autres décisions. Comme une envie de bien me poser, pas m’allonger, non, me tenir droit, bien sur mes pieds, prêt à foncer. de là ont découlé d’autres désirs, enfouis sous la contamination et qui ne demandaient qu’à remonter à la surface tranquile rendue accessible par 10 ans de travail d’analyse. Je m’apprécie, je m’aime et je m’admire même, pour avoir su garder le cap sur l’essentiel malgré ce qui m’est arrivé, et de pouvoir en parler aussi facilement. Ainsi, mardi dernier, j’ai retrouvé Thomas avec qui je suis allé dîner de délicieux sushis, avant de faire notre devenu traditionnel échange de doramas, et cela m’a semblé naturel d’aborder le sujet de ma santé, de mon traitement. De même avec Carlos l’autre semaine, avent le spectacle de Noh à la MCJP. J’abhore l’idée qu’il puisse y avoir un « quelque chose » de l’ordre du non dit entre moi et les autres. Et comme je n’ai pas (plus) le sentiment d’être frappé d’une quelquonque malédiction. Je crois que c’est cela que j’aimais bien chez Jacques, à une époque où cela n’était pas facile, cette facilité à blaguer en public sur son Sida, ses T4 à moins de 50, ses infections aux yeux, ou ses terribles diarrhées liées à ces traitements alors redoutablement mal dosés, mal combinés. Je n’ai jamais ressenti le moindre malaise quand il faisait une blague, et pour tout dire, je les trouvais même plutôt drôle. On pouvait passer à autre chose. On comprenait ce qui pouvait se cacher derrière les mots, mais il n’y avait pas de mur. Avec Olivier, cette opacité, ces silences étaient pesants, je me demandais toujours « mais comment en parler », il balayait les questions si facilement. Il ne parlait que pour se plaindre et mettre cette contamination sur le dos d’une quelquonque malédiction qui commençait le jour de sa naissance, avec son abandon, et son adoption. Et il était généralement soul quand la pénible lithanie commençait. Moi, à l’époque, toujours négatif, je le plaignais, je culpabilisais. Quel idiot ! Il en a fallu, du temps, pour lui dire que son ivrognerie c’était de sa faute et qu’il n’avait que lui à accuser, et que sa contamination, c’était juste la faute à pas de chance, et que ça me faisait chier, ces plaintes sempiternelles alternées de commentaires méprisants sur les gens qui n’allaient pas dans les clubs où il allait, qui ne « connaisaient » pas tel ou tel éléments de branchitude dont je n’avait au passage strictement rien à faire…
Je ne veux vraiment pas faire subire ça aux autres (he he he, il suffit que je parle d’analyse pour trouver, au passage, ma phrase extrèmement pertinente!). Je le fais donc comme je le sens, et je veux que cette séropositivité soit tellement évidente, normale, naturelle, que personne ne se pose la question du « courage », « difficile », etc Je vais bien.
Je m’inscrit à l’Inalco justement pour ne pas laisser le dernier mot à ces 2 dernières années où il m’a été impossible de mener tout de front, où mon esprit errait dans le vague, incertain. Décider que c’était le moment de commencer un traitement m’a ouvert une autoroute fantastique.
JE NE ME CONSIDERE PAS COMME UN SEROPOSITIF, MAIS COMME UN ANCIEN SERONEGATIF.
Je n’ai pas oublié qui j’étais auparavant, et je suis toujours intransigeant à l’égars du bareback, du sexe non protégé. Je n’en veux pas à celui qui sur mon chemin a décidé de se lacher sans prévenir, parce que je sais reconnaître mon chemin. Mais je pense aussi à ces gamins tout fraichement débarqués dans leur séxualité, et qui eux, verront leur horizon rétrécis, amputé, et je me dis que le silence des gays sur les nouvelles contaminations est un déni de meurte/viol consciemment perpétré. Si la psychologie permet de comprendre le geste en lui restituant un sens, la justice, et particulièrement la justice qui découle de l’esprit que l’on se fait d’une « idée communautaire » m’invite à considérer ces comportements comme criminels. Et je continue de penser qu’une condamnation devrait être prononcée, quitte à ce qu’elle soit assortie d’un sursis équivalent et d’une obligation à commencer un travail de reconstruction psychologique.
Enfin…
Immense cogitation, idées qui se libèrent, je repense politique, littérature, art, design, je regarde de nouveaux Paris avec des yeux neufs. Cette ville ne demande qu’à se donner à celui qui veut la prendre. Et qu’importe saleté, malpolitesse. Il y a comme une nonchalance finalement bien agréable… Paris n’est pas une ville à photographier, c’est une ville à raconter.
Suis allé chez Maria retrouver Dulcinia avec qui j’ai terminé la ré-installation de l’IMac. Maria va bientôt accoucher. Son appartement est sympa. Dans l’après midi, elle s’est reposé en regardant un documentaire sur une Japonaise devenue cuisinier, diffusé sur la 5ème. J’ai bien du en regarder 20 mn, c’était très intéressant. Elle parlait du regard des autres, du sentiment de différence, et derrière elle la couleur(s) verte du Japon, les maisons traditionelles, le chadô. Nostalgie.
Je suis revenu à vélo, longeant le Canal de l’Ourq. Nonchalance de La Villette, rempli de bronzeurs et bronzeuses, joggers et joggeuses, tranquilité de ce Parc, et puis après Jaurès sur Saint Martin, Vide Grenier. Beaux objets, comme une TV des années 50 avec une très belle ébénisterie, des sièges métalliques des années 40. Je me suis acheté une petite boule à neige « Pékin ». Une fois acheté, j’ai compris que je tenais à rester à Paris, à commencer à faire ce que je désire, sans attendre, maintenant, et non « recommencer », encore et encore.
J’ai entendu hier matin que Laurent Fabius était candidat à la candidature. « un travail, un toit, un savoir ». En gros, des stages, des alloc familiales et du super Besson qui engraisseront les proprios, et des stages. Lamentable… Je ne me suis jamais autant senti « rocardo-mendesiste ».
Hier soir, c’était chez Stéphane, sur la terrasse, avec Nicolas, Véronique. Comme c’est agréable…
Je lis le livre de G. Sieffert, Les religions du Japon.
Le travail est un job. Définitivement. Le savoir est une porte, qui ouvre d’autres portes. Elle me libèreront de ce travail crétin dans lequel je suis enfermé, mais qui me permet tout de même d’avoir été 3 mois au Japon ces 12 derniers mois… Je ne me plains pas. L’an prochain, en fin de mission ici, dans l’été, je repartirai pour trois mois, heureux je l’espère, d’avoir bouclé un DULCO.
J’ai beaucoup de choses à raconter, mais j’ai toute ma vie devant moi pour le faire, rien ne presse. Il y a ce journal et de nombreux romans qui m’en donneront l’occasion. Je ne suis pas inquiet.
Je vous laisse, c’est l’heure du déjeuner.


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