Minorités 171 | L’Algérien en moi

Paru dans la revue Minorités.org Dimanche 29 septembre 2013
J’ai quarante-huit ans aujourd’hui. Pour mes 40 ans, en 2005, j’étais en vacances à Kyôto, j’habitais encore en France, où tout m’ennuyait, ma vie, les débats politiques de plus en plus insipides et caricaturés. Je me préparais à repartir vivre à Londres. Le dernier jour de mes 39 ans, je suis allé à Tôkyô et le soir, j’ai filé à Ôsaka, je me suis amusé dans un petit bar gay du quartier de Umeda où j’avais été introduit une semaine avant, j’ai bu, chanté au karaoke de vieilles chansons japonaises, et j’ai loupé mon train. Je suis allé dans un love hôtel pour passer la nuit, j’ai marchandé le prix avec l’employé qui n’en revenait pas, j’étais saoul et je parlais japonais. Je me suis pris en photo, à poil, dans la chambre, pour dire adieu à ma jeunesse.

Voilà, Madjid, tu as quarante ans, c’est le sommet. Le lendemain, très tôt, je suis rentré par un des premiers trains à l’appartement co-loué pour un mois, à Kyôto dans le quartier de Ômiya, j’ai pris une douche, je me suis coupé les cheveux, j’ai avalé mes cachets, et je suis ressorti, il était à peine sept heures. Je suis arrivé à Tôkyô vers 9:30. J’ai vécu à ce rythme les cinq derniers jours de mon voyage, dormant peu, sortant beaucoup et me baladant encore plus. Le dernier soir, à Kyôto, j’ai trainé de bars gays en bars avec une petite bande d’ours japonais amusants.

Au fond de moi a germé l’envie de vivre au Japon. Pas futilement, vraiment.

Une énergie furieuse et calme à la fois. C’était décidé. Quelques mois plus tard, après avoir bradé, vendu, donné, jeté tout ce qui avait fait ma vie, les tonnes de livres annotés, les vinyles, les CDs, quitté mes collègues à BNP PARIBAS où j’étais devenu une sorte d’intérimaire fixe, je m’envolais en business class vers Tôkyô, profitant d’un surclassement que m’offrait Japan Airlines pour commencer à travailler comme enseignant dans une de ces écoles de langues pourries qui ont poussé comme des champignons dans l’archipel depuis les années 80. Ce fut un changement rapide, comme une tornade.

Je ne suis revenu qu’une fois vers Paris, en 2007. Il faisait gris, la ville m’a fait horreur.

Au Japon, j’ai connu la faillite de l’école où je travaillais à Ginza, la chaîne d’écoles NOVA, la plus grosse faillite de l’histoire du Japon. 15.000 profs étrangers sur le carreau du jour au lendemain, pas payés depuis des mois. Autant de salariés administratifs, et des centaines de milliers d’élèves, certains ayant perdu plus de 10.000 euros…

Là, il m’a fallu faire vite, m’adapter, j’ai pris le premier job qui se présentait, et ce fut Lehman Brothers. Je nettoyais la comptabilité, un calvaire dans cette banque pour qui la comptabilité était le dernier des soucis tant que les profits s’envolaient. J’ai donc connu une seconde faillite, cette fois la plus célèbre faillite planétaire des cinquante dernières années.

La survie fut là, très difficile. Intérimaire, je ne gagnais pas une fortune, je n’avais pu que vaguement me désendetter de la faillite de NOVA. J’ai raclé les fonds et cru que je devrais quitter le Japon. Et puis j’ai trouvé la petite école où je travaille encore depuis avril 2009.

En 2011, enfin, j’ai vécu un séisme qui a bouleversé ma vie et ma perception du monde pour toujours.

Cette année j’ai reçu la nouvelles carte de séjour de cinq ans. Le jour où je recevais le convocation pour aller la chercher, j’ai reçu deux emails. L’un de mon amie Tarika qui venait de lire des romans algériens et me disait que je ne devrais pas « oublier tes oliviers » en Algérie, et un autre du directeur d’un théâtre de l’Est algérien qui avait besoin de mon autorisation pour mettre en scène une pièce que j’avais écrite il y a presque 15 ans.

La pièce, présentée en mai dans le cadre du festival national du théâtre professionnel à Alger, a reçu deux prix. Enfin, un acteur, et le metteur en scène.

La France s’efface

J’ai alors pu comprendre ce que toutes ces années avaient modifié en moi.

En 7 ans, la France s’est effacée. Ma mère y habite, certes, mon frère aussi. J’y ai mes amis, à l’exception de Tarika qui vit maintenant à Lisbonne. Plus aucun ne vit à Paris. Plus rien ne m’attache à la France. Je vis au Japon, où une série d’événements m’ont comme enraciné. J’y ai aussi rencontré mon ami.

Je ne sors plus, je ne bois plus, j’ai une vie incroyablement calme, j’admire les fleurs et les jardins, je savoure l’odeur de l’encens dans les temples où j’aime me reposer. Je mène une vie assez douce et je m’aperçois à quel point la vie que je menais en France, toute trépidante qu’elle pût être parfois, ne me correspondait pas totalement. Je n’ai aucun regret, j’ai juste grandi.

À 40 ans, donc, j’ai eu le besoin de dégager. Le Japon m’a fait renaître plus sûr et plus solide. À l’aube de mes 48 ans, j’ai une confession à faire. Une confession que je peux faire car la mue est terminée.

Comme beaucoup d’enfants algériens nés en France, j’ai refoulé pendant des années cette part de mon identité. Mon identité algérienne. Jamais renié, juste refoulé. Je ne lui ai jamais donné la chance de s’épanouir. On y passe tous. On refoule ou on caricature.

Je n’ai jamais cherché à changer de nom, et pourtant, on me l’a fait sentir, qu’il était difficile à prononcer, « T’es arabe, on dirait pas », « Ben quiche / quiche Lorraine », « T’as pas un nom plus simple », « Je m’y ferai jamais », « T’as jamais pensé à changer de nom ?» etc.

Je n’ai jamais eu honte de dire que mon père était algérien. Et pourtant, je les entendais, les blagues sur « les arabes », « la bite coupée », « Celle là es’ tape des arabes à Barbès », « Ah, vous êtes algérien, je veux pas de ça chez moi », j’en passe et des meilleures.

Je n’ai jamais cherché à me séparer des autres algériens, j’ai suivi les mêmes cours d’arabe organisés par l’Amicale des Algériens en France, j’étais un bon délégué de classe dans mon collège de Bondy, j’ai trimbalé les mêmes 100 kilos de bagages lors des voyages en Algérie avec mon père.

Mais mon émigré (j’écris bien émigré) de père, malgré ses quatre années d’école coranique, un privilège familial au milieu de la pauvreté de cette Algérie coloniale dont le « bilan positif » scolaire s’élève à un analphabétisme supérieur à 85% en 1962, n’en était pas moins un ouvrier, avec une culture limitée, et ce qu’il ne pût me transmettre, jamais la France ne me l’a transmis. On était pauvres, alors les livres d’art, les voyages, les concerts… Mon quotidien s’est appelé Epinay ou Bondy, et la civilisation arabe, c’était les familles nombreuses, la pauvreté et les petites frappes de la cité voisine.

Jamais l’école ne me parla de la civilisation arabo-musulmane, de ses poètes, de ses scientifiques, de ses architectes, de ses grandes villes fastes, de sa musique, de sa richesse ni même de l’importance fondamentale, déterminante, de cette civilisation dans une construction idéologique euro-centrée comme la Renaissance. Jamais l’école ne m’a raconté la colonisation comme mon père me la racontait à la maison, la famine de 1941 en Kabylie, oui, la famine, et le typhus, oui, le typhus, qui emporta ma grand mère et faillit emporter mon père. Jamais elle ne me raconta Sétif, ni même Madagascar d’ailleurs. Louis XIV était célébré pour son talent de monarque, mais on ne me parla jamais du Code Noir…

Je n’écris pas cela avec un quelconque esprit vengeur ou « misérabiliste », comme on me le fait remarquer quand je rappelle ces vérités historiques ou comme l’aboie Alain Finkelkraut quand il vomit hebdomadairement chaque samedi matin entre deux plages d’une interprétation javellisée des Variations Goldberg qui lui sert de générique.

J’écris cela parce que comme je vous l’ai écrit, j’ai refoulé mes origines. Comme quasiment tous parmi nous. Parce qu’il y a un malentendu sur notre identité, nos origines, notre culture, notre histoire, le pays dont nous venons bref, qui nous sommes et à qui on nous compare, italiens, polonais, portugais ou espagnols, pour mieux nous enfoncer.

Ainsi, la trame officielle fait de la France un pays qui plonge ses racisme dans « l’humanisme grec », c’est une « vieille nation », la « fille aînée de l’Église » comme le rappellent certains journalistes en mal de synonymes faciles. La Renaissance, cette génération spontanée qui a donné comme par magie à l’Europe de l’Ouest « des origines greco-romaine », est la « mère des arts » et est à « l’origine de l’esprit de liberté, de l’esprit scientifique et du progrès ». Quelle chance nous avons d’être nés là, serait-on pressés de dire. Et on ne s’en prive pas, de nous le dire.

En revanche, cette même trame officielle, en omettant des pans entiers de l’histoire de la Méditerranée et de l’Afrique, réduit nos parents, donc nos ancêtres, à n’être que les pauvres victimes d’une immigration économique qui en nous extrayant de ces contrées arriérées de crèves la faim, auraient bénéficié de l’infini privilège d’être nés dans ces havres de culture que sont les démocraties d’Europe occidentale. La caricature de cette vision est le discours lepeniste, bien sûr, mais je ne vois pas bien la différence avec celui d’une certaine gauche tiers mondiste qui fait de nous des espèces de traines savates venant vendre leur force de travail pour le profit de vilains capitalistes, c’est vraiment pas cool. Je leur en veux particulièrement parce qu’ils savent, qu’on a été colonisés, et que c’est la colonisation qui, en déstructurant les économies locales, est responsable de la déchéance de ces pays.

Statut d’arabe

Nous sommes essentialisés par certains, réduits à un statut d’arabe (alors que nous ne le sommes pas, arabes…), et par les autres réinventés en va-nus pieds, des victimes avec lesquelles il faut « être solidaires ». Et c’est vrai que l’entassement dans les bidonvilles et les foyers, les guerres civiles, les régimes autoritaires avec coup d’état en mondovision ou les famines ne sont pas bien affriolantes. Jusqu’aux orientalistes qui trouvent un charme à la saleté et au délabrement des métropoles, qui sont alors authentiques, vrais, avec une population « si gentille ».

Mieux, le cœur bat, le net s’enflamme quand au milieu de ce qui apparaît comme des territoires dépourvus de toute histoire et de toute culture dignes de ce nom surgissent des héros dans lequel nos élites peuvent se reconnaître, une Amina aux seins nus ou un chinois solitaire debout devant un char.

On s’étonne après que nos jeunes soient violents parfois, asociaux souvent. C’est qu’ils devraient s’estimer heureux, hein, d’être nés dans ce pays merveilleux et non pas chez ces égorgeurs de moutons qui enferment leurs femmes après avoir violé des fillettes de 8 ans dans des pays où les généraux gazant leurs populations succèdent à / précédent des islamistes égorgeurs.

Quand j’ai visité l’Alhambra, à Grenade, il y a de cela 22 ans, j’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Et aussi la première fois que j’ai entendu Aicha Redouane, vers 1992 ou 1993. Au fil des ans, j’ai compris que cette architecture, cette musique, cette langue arabe classique, c’était tout ce que mon père, avec son français fragile, avec sa culture imparfaite, avait tenté durant tant d’années de me faire comprendre. Au fil des ans, seul, j’ai reconstitué une histoire qui est mienne. Ce que j’avais refoulé a progressivement émergé de la nuit dans laquelle une éducation scolaire et médiatique à la française m’avait plongé.

Mon séjour au Japon a achevé ce travail.

Vu de loin, la France est un pays parmi d’autres.

Vivant au Japon, je me suis aperçu que, finalement, elle ne s’était jamais attachée à moi. Il suffit de voir quand un ministre ou un journaliste « issu de la diversité » émerge, le concert d’auto célébration… Ou bien comment en 1991, cette même France a douté de la « francitude » du journaliste Rachid Arab.

Nos parents étaient, en Algérie, des « indigènes musulmans », privés de citoyenneté. La république s’emploie à perpétrer ce qui a l’air, finalement, d’être comme une sorte de marque originelle. Nous sommes encore des indigènes, citoyens sur le papier, certes, mais que ce soit professionnellement ou idéologiquement (la religion…), nous sommes sommés d’être de bons français, c’est à dire, sommés de coller le plus possible à la trame officielle qui nous réduit à être des bouseux venus de pays à la culture arriérée et à l’histoire tragique et sanguinaire, devant donc courber l’échine devant cette république nourricière qui a eu la générosité de nous élever au rang de smicard ou de rsiste, il ne manquerait plus qu’on se plaigne.

Aujourd’hui, donc, j’ai 48 ans. La France s’est avec le temps relativisée en moi, et l’Algérie a repris sa place. Dans minorités, j’y suis souvent revenu.

Lors de mon dernier séjour en Algérie en 1989 pour les funérailles de mon père, j’ai passé les deux derniers jours à Alger. J’aurais aimé y passer une semaine, communier avec ce père que j’avais perdu alors que j’étais si jeune et qui avait essayé autant qu’il le pouvait de me transmettre son amour pour cette terre.

J’étais comme une jeune pousse, assommé par ce décès, comment aurais-je pu dire à mes oncles, mes tantes, mes cousins, que bon, là, ça suffit, les funérailles sont passées, j’ai besoin d’avoir la paix, cassez-vous, je veux passer une semaine à Alger, seul, seul, seul, seul, mais avec Akli au fond du cœur, je veux comprendre pourquoi il aimait cette ville, vous pigez?, oui, comment aurais-je pu dire cela… Ça se fait pas. Et pourtant tout avait été si vite.

J’ai donc passé peu de temps, à Alger, avec un cousin qui ne m’a pas lâché (ce qui était une marque de gentillesse quand même). J’ai revu la ville que j’avais explorée durant deux semaines, sans mon père, l’année de mes 15 ans. Et j’ai longé l’avenue Larbi Ben M’hidi, encore piétonne. L’idée saugrenue d’y vivre m’a effleuré en mangeant une glace.

C’est cela que j’ai manqué, en n’y restant pas, seul, une semaine.

Alger, j’en suis tombé amoureux l’année de mes 15 ans, justement. Ville labyrinthe indéfinissable, qui s’enroule tout en ayant des boulevards, aux façades blanche comme la lumière du ciel en été, et volets bleus comme le ciel et la mer, et qui monte, et avec sa Casbah tortueuse; et les jeunes souriant jusqu’aux oreilles, et les vendeurs dans la rue, cigarettes, bibelots. Tous rouspéteurs, mais souriants. Et la mer.

À Grenade, regardant l’Alhambra sur le versant opposé, j’ai pensé à Alger en me perdant dans les ruelles fleuries de l’ancienne Casbah, et j’ai compris l’incroyable beauté qui se cache dans Alger derrière son délabrement.

Et partout, la mer.

Quand je vais à Yokohama, je pense à Alger, toujours.

Il y a eu les années 90, les flots de réfugiés, l’horreur, ma tante Daouia qui voit un policier se faire abattre juste à côté d’elle, ces récits de gens qui longent les murs et plongent au sol au moindre bruit, les militants et artistes assassinés, les meetings à Paris, aider comme je le peux tel et tel à avoir un visa, et puis… Et puis, finalement j’ai choisi de m’occuper de moi, en 1999 il y a eu Londres, et finalement Tôkyô. L’exil, un peu.

J’ai toujours envié mes amis portugais et espagnols, jamais ils n’ont été sommés de choisir. L’histoire de leur pays s’inscrit dans la trame officielle de l’histoire de France, eux aussi, des pays qui sont « re-nés » au 15ème siècle. Les portugais savent que ce sont des portugais qui ont fait le tour du monde les premiers, c’est dans les livres de quatrième, et les espagnols savent que c’est l’Espagne qui a officiellement foulé la première le sol du nouveau monde. Bref, les enfants de Maria, de Concita, de Manūel ou de Jose savent que leur pays a une culture. Quelle chance ils avaient, à l’école.

Je ne nie pas le racisme qu’ils ont essuyé, ni les travaux ingrats de leurs parents, mais nous concernant, nous, les algériens, réduire ce que nous avons vécu à du racisme est vraiment passer à côté de l’essentiel: nous sommes les résidus d’une représentation du monde mensongère dont nous ne sommes pas sortis et qui se perpétue, et qui fait du pays d’origine une terre sauvage, sans culture ni histoire et qui n’est entrée dans la civilisation que par la grâce de la colonisation, et qui s’enlise depuis parce que la bande de sauvages que nous sommes est incapable de se gérer elle-même, comme le dit si bien Soral et ses collabos de égalité et réconciliation. « Le bled ».

Eh bien, du haut de cette tour d’ivoire qui s’appelle le Japon, du haut de cet isolement superbe d’où je regarde la France avec sa vraie taille, avec son président normal et son peuple de plus en plus rikiki, réclamant sa dose de bouc émissaire, de Rrom et de laïcité en veux tu en voilà, je regarde l’Algérie comme un appel.

Je n’irai pas aussi loin que ce dandy, Farid Nekaz qui a décidé de rendre sa nationalité française et de se présenter aux élections présidentielle algériennes en 2014.

Non.

L’Algérie, moi, ne m’a jamais rien apporté que de gentil. J’y ai une famille, des gens braves et courageux, très fiers de leur histoire, de leur langue. C’est en Algérie que j’ai été publié la première fois, c’est aussi en Algérie que cette pièce de théâtre oubliée a été jouée pour la première fois, quand j’avoue qu’en réalité, pour moi, cette histoire de 17 octobre 1961, cela reste avant tout une histoire française.

J’en ai été incroyablement touché, flatté. Je ne l’aurais pas été autant si c’eût été en France, pour tout dire. J’y ai une maison, même si je ne sais pas trop bien ce qu’il en est de ce côté là… J’y ai des souvenirs lumineux de mon enfance, des souvenirs d’adolescent. Le souvenir des funérailles de mon père. Et j’aime écouter le hasard.

Le net algérien est passionnant. Je pense que tous ceux qui suivent le net du Maghreb diront la même chose. Alors m’est venu une idée un peu folle, créer une revue, sur le net. C’est culotté car je suis assez mal placé, dans plusieurs sens du terme, mais je pense aussi que c’est la place idéale pour ne pas rentrer dans les divisions qui marquent ce pays, si mal gouverné et où la division a justement été hissée en art de gouvernement.

C’est mon nouveau joujou. Comme le Japon le fut pendant longtemps. Mais c’est un joujou que je porte avec une affection particulière, un truc enfoui au fond de moi, du temps où, enfant, mon père me racontait des histoires de chacal dans une langue que j’ai oubliée, et qui le faisaient frissonner. Sentiment de suivre des pas qui étaient devant moi et que je me refusaient à suivre, peut être me fallait-il, en allant au Japon, apprendre à les regarder avec un œil neuf. Je veux défouler l’Algérie en moi.

Je ne sais pas si je vivrai un jour rue Larbi Ben M’hidi ou dans la Casbah. Je m’en fiche, de toute façon, je vis à Tôkyô, dans le quartier où je voulais vivre. Mais j’ai décidé de répondre à un appel intérieur.

48 ans, c’est un âge parfait pour cela. Idéal. J’ai décidé d’offrir toutes mes compétences « oisives » à l’Algérie. J’aime écrire, j’aime les projets collectifs. J’ai envie de lire un site algérien qui me raconte l’Algérie que je ne connais pas. Je veux la voir briller de ses nuances que je ne connais pas mais qu’un père au patriotisme indéfectible a gravé en moi.

J’ai décidé de regarder l’Algérie quand tous les algériens regardent le monde, l’envie de fuir dans le bide. Harragas. Parce que l’Algérie a besoin de moi, comme elle a besoin de nous tous.

J’ai décidé de participer.

J’ai décidé d’y retourner prochainement après une si longue absence, comme on va en un pays banal, et cette fois-ci je serai seul. J’ai décidé de la mettre à égalité avec ce pays qui m’a vu naître, mais ne m’a jamais dit pourquoi j’y étais né, ni d’où je venais vraiment, ravalant mon père au rang de moulin à paroles. J’ai décidé de lui donner une chance. J’ai décidé de briser la malédiction d’être algérien qui s’inscrit au tréfonds de moi, de nous, au tréfonds de nous. J’ai décidé de chanter la beauté de ce pays dans la polyphonie de celles et ceux qui, je l’espère, se joindront à ce projet de revue, nommé ainsi en hommage à l’un des plus grand auteurs algériens, Kateb Yacine.

Majid Ath M’hand Saadi Ath Si Akli (aka Madjid Ben Chikh)

Madjid Ben Chikh

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